Friday, December 08, 2006
James Brown :
Soul on Top, 1969
James Brown a marqué la musique populaire américaine (et internationale !) comme peu d' autres artistes.
Comme le note fort justement le site http://www.allmusic.com/, Il fut à l' origine de deux révolutions musicales qui virent l' avénement de la Soul music au début des années soixante et la naissance du Funk à la fin de cette même décennie.
Pour une vision d' ensemble de son oeuvre, je vous conseille vivement le formidable coffret Star Time. On ne peut aussi guère se passer des deux premiers Live at The Apollo enregistrés en 1963 et 1968 et du disque enthousiasmant Sex Machine de 1970.
1969 fut une belle année pour James Brown. Elle vit la naissance de titres emblématiques du "Soul Brother N° 1", Say It Loud ! I'm Black And I'm Proud, Licking Stick ou encore le fabuleux Mother Popcorn qui amorce le virage vers un Funk plus radical qui donna bien d' autres chefs d' oeuvre dans ces années dorées de la naissance du Funk 1969-1972.
Mais cette même année, il prit aussi le temps d' enregistrer un album avec l' orchestre du batteur Louie Bellson, Soul on Top.
Arrangé merveilleusement par le talentueux Oliver Nelson, l' orchestre sonne magnifiquement. On y trouve plusieurs pointures du Jazz de l' époque, les saxophonistes Ernie Watts et Buddy Collette et le contrebassiste Ray Brown entre autres.
Mais c' est bien sûr James Brown qui attire l' attention.
Il signe ici une performance exceptionnelle montrant toute la richesse de ses talents vocaux.
Le disque alterne standards et titres de JB.
On remarquera notamment les versions trés énergiques de "That's My Desire" et "Your Cheatin' Heart" ainsi que "For Once in My Life" qui se termine par un joli dialogue improvisé sax et JB.
Mais les sommets du disque se trouvent à la fin avec deux fantastiques versions des funky "Papa's Got a Brand New Bag" et "There Was A Time".
On peut vraiment entendre avec ces deux titres l' alliance inhabituelle du Funk et du Big Band de Jazz. Et le résultat est fantastique culminant dans le solo enflammé de Maceo Parker dans "Papa's Got a Brand New Bag".
Tout le mal que je vous souhaite est de découvrir à votre tour ce superbe disque rééddité en 2004 par Verve de fort belle manière.
Extrait audio : James Brown : Sex Machine (Coldcut Remix)
Saturday, December 02, 2006
Hal McKusick : un musicien à (re)découvrir
Hal McKusick, altiste et clarinettiste, fait partie de ces musiciens méconnus mais merveilleux dont le Jazz est riche et en particulier le mouvement West-Coast.
Installé en Californie dès le milieu des années 40, il participe à l' éclosion du Cool Jazz. Il travaille notamment avec Terry Gibbs et Claude Thornhill.
Au cours des années 50, il participe aux projets progressistes de George Russell et Jimmy Giuffre et signe plusieurs disques sous son nom qui sont rapidement devenus des raretés.
Au début des années 60, il s' éloigne peu à peu de la scène du Jazz.
En 1987, le critique Alain Gerber retrouve sa trace dans l' île de Saint-Barthélémy où il est pilote de petits avions locaux et où il se produit tous les soirs dans un restaurant jouant désormais du ténor.
Le label Lonehill a eu la la bonne idée de rééditer ses enregistrements les plus marquants dans un double CD : The Complete Barry Galbraith, Milt Hinton and Osie Johnson Recordings.
On peut y gouter la subtilité et la rigueur de son jeu. McKusick cultive à sa maniére l' héritage du Président Lester Young dans sa manière si délicate d' appréhender la musique et l' émotion contenue qu' il transmet à ses auditeurs. Un héritage que l' on entend encore plus dans les morceaux où il joue de la clarinette, en particulier le magnifique "Lullaby For Leslie".
Ce double Cd présente les enregistrements , en studio et en public, de ce fameux quartet qui est un parfait véhicule pour la musique de McKusick ainsi que, oh joie, les enregistrements parues sous le titre "The Hal McKusick Jazz Workshop" . Un disque en octet arrangé par Manny Albam, Gil Evans et Jimmy Giuffre, pas moins. Malheureusement, les titres arrangés par George Russell ne sont pas présents dans ce disque pour la mauvaise raison que Lonehill les a déjà publiés sous le nom de Russell.
On a néanmoins une assez large vision de ces séances remarquables avec notamment la première version du "Blues For Pablo" de Gil Evans qui fit plus tard le bonheur de Miles Davis.
Une musique typique du Cool Jazz le plus ambitieux et novateur marquée par la forte personnalité de ces grands arrangeurs.
Tuesday, October 31, 2006
La naissance du Country-Rock :
Gram Parsons,
The Flying Burrito Brothers et Emmylou Harris
Ma découverte de la musique de Gram Parsons s 'est faîte par l' intermédiaire des Rolling Stones, en particulier leur magnifique double album "Exile On Main Street", un album qui plongent aux racines de la musique américaine, du blues à la country en passant par le gospel, et dont Gram Parsons assista à la création à Villefranche-sur-mer en 1972.
Les deux albums, GP en 1972 et Grevious Angel en 1973, que signa Gram Parsons sous son nom sont deux merveilles. La beauté des mélodies, la modernité des arrangements qui réalisent la fusion entre country et rock et l' émotion de la voix de Gram ne peuvent laisser indifférent. Les harmonies vocales avec Emmylou Harris sont elles aussi remarquables.
Deux chefs d' oeuvre de la musique populaire américane, pas moins.
La disparition brutale de Gram Parsons en 1973 à l' âge de 26 ans laissera un grand vide dans le monde de la musique. Mais son influence ne cessera de grandir.
Son héritage ne se limite pas à ses deux albums solos, il va poser les bases du country-rock au sein de trois groupes " The International Submarine Band", "The Byrds", et "The Flying Burrito Brothers".
Les deux premiers albums de "The Flying Burrito Brothers", The Gilded Palace of Sin (1969) et Burrito Deluxe (1970) sont deux magnifiques exemples de la fusion entre country et rock avec même une approche plus rugueuse du son que dans l' oeuvre de Parsons. La musique du groupe reste fidèle à l' esprit folk de la country en y incluant une énergie et des sonorités rock. Ces albums, en particulier le premier, auront aussi une grande influence sur la musique de l' époque. Chez les "Flying Burrito Brothers", on entend l' urgence propre au rock, plus que dans l' oeuvre plus mûre de GP en solo.
Pour finir ce petit voyage musical, je vous recommande l' écoute des deux premiers albums d' Emmylou Harris, Pieces of the Sky (1975) et Elite Hotel (1976). Deux albums splendides fortement inspirés par la musique de son mentor Gram Parsons qui révèle tout le talent d' interprète d' Emmylou Harris.
Saturday, October 21, 2006
Saturday, October 07, 2006
Extrême Coltrane !
Après la chronique de "Coltrane" , un disque plutôt apaisé du "classic quartet", je vous propose de découvrir les performances Live volcaniques au Japon en juillet 1966 du groupe de John Coltrane.
Du "classic quartet", il ne reste qu' un membre, le brillant contrebassiste Jimmy Garrison qui s' offre de merveilleux longs solos dans ces concerts. McCoy Tyner et Elvin Jones sont partis quelques mois auparavant, ne se sentant plus en phase avec la musique de plus en plus free de Coltrane.
On peut penser que Coltrane avait de son côté besoin d' un autre accompagnement et on peut dire que ses nouveaux accompagnateurs sont radicalement différents de Tyner et Jones. Alice Coltrane au piano et Rashied Ali jouent une musique qui s' affranchit totalement des règles du Jazz traditionnel alors que Tyner et Jones modernisaient cet héritage mais en gardait l' empreinte tant au niveau harmonique que rythmique.
Coltrane déclara à propos de Ali : "La manière dont il joue permet un maximum de liberté au soliste", affirmant sa nouvelle préférence pour le Free le plus radical.
Quelques propos de Coltrane font apparaître ses doutes (assez surprenants!) sur la modernité de sa musique par rapport à celle de ses contemporains les plus avant-gardistes :
"Je pense que, de nous trois [Ornette Coleman, Eric Dolphy et lui-même], Ornette est celui qui a été le plus loin. Je pense sincèrement qu' Ornette et Eric ont eu plus de réussite que moi dans leurs tentatives. J' estime même être plutôt en retard. Je n' ai pas fait un tel bond en avant puisque je continue à utiliser les mêmes structures fondées sur les accords."
Cette déclaration date de 1961 et on peut penser qu' elle aurait été différente quelques années plus tard, en 1965 par exemple, année où son jeu se libère totalement du schéma harmonique classique.
Dès 1961, Coltrane manifeste son intérêt pour les saxophonistes free qui lui montre de nouvelles voies à explorer, parmi ses influences, il parle de John Gilmore du Sun Ra Arkestra et surtout d' Albert Ayler.
"Albert Ayler m' est trés proche. Je trouve qu' il est en train de déplacer la musique dans des fréquences encore plus enlevées. C' est peut-être là où je me suis arrêté qu' il commence (...), il a rempli un espace que je n' avais pas encore touché."
On sait qu' en 1965, il travaillait son instrument en écoutant des cassettes d' Ayler.
A mon avis, si Coltrane a éprouvé un peu de difficulté à se lancer dans la free music, c'est qu' il était plus profondément nourri que ces jeunes confrères du vocabulaire hard-bop.
Ayler, Dolphy, Coleman se sont lancés avec fougue dans les territoires vierges du Free alors que Trane s' est construit musicalement au sein du Hard Bop.
Admirable est sa volonté d' expérimenter et de faire évoluer sans cesse ses idées musicales et sa technique instrumentale, y compris son son.
Peu de jazzmen auront autant bouleverser leur musique en l' espace d' une décennie !
Gérard Rouy, dont l' article "Free, Coltrane ?" paru dans Jazz magazine a fortement influencé ce petit texte, distingue trois sortes de disciples ou de suiveurs de Coltrane : "ceux qui useront jusqu' à la corde tous ses licks, tous ses clichés de phrasé, ceux qui s' imprégneront en profondeur de son vocabulaire et ceux enfin qui, comme par exemple Roscoe Mitchell, Evan Parker ou Daunik Lazro, retiendront l' esprit de sa démarche, expérimenter sans cesse de nouvelles idées jusqu' à l' éclatement des formes, jusqu' à l' utopie de l' expression libre sans limites ni entraves."
Revenons à présent à ce coffret de 4 CD "Live In Japan" qui donne à entendre Coltrane un an avant sa mort, comme au sommet de sa trajectoire d' artiste. Les moments les plus paroxistiques alternent avec de sublimes moments méditatifs. Coltrane bénéficie du soutien dans ces concerts de Pharoah Sanders, enflammé et inspiré comme jamais.
Ce coffret a été une magnifique découverte, il montre un autre visage de Coltrane que ses derniers enregistrements studios, encore plus frénétique, où l' expressivité sonore est alliée à la vivacité de l' improvisation sans filets.
La durée extrêmement longue des morceaux composant ce coffret, les versions de "Crescent" et "My Favorite Things" font chacune près d' une heure (!), donnent aux improvisateurs le temps pour de longues explorations souvent bouleversantes.
Une musique renversante à écouter absolument !
Pour les amateurs d' une musique moins chaotique (enfin, si ils préfèrent la musique douce, ils n' ont qu' à écouter Don Byas !), nous leur conseillons de découvrir les performances Live réunies dans le coffret de 7 Cds "Live Trane : The European Tours". Un Must pour tous les fans de Coltrane qui documente les tournées européennes 1961, 1962 et 1963. En 1961, Coltrane part en Europe accompagné d' Eric Dolphy, de Reggie Workman à la basse et de Tyner et Jones déjà à leurs postes. Un seul Cd rend compte de cette première tounée. On y trouve notamment une version enflammée de "Blue Train". On trouve ensuite trois titres, enregistrés au Birdland en 1962 par la même formation, abusivement désignés par l' éditeur du coffret comme enregistrés à Hambourg en 1961. C'est une erreur parmi d' autres dans l' édition de ce coffret. On peut trouver toutes les (bonnes) précisions discographiques dans l' excellent site de Dave Wild : http://home.att.net/~dawild/livetrane_details.htm
Le reste du coffret présente les tournées 1962 et 1963 de Coltrane avec son "classic quartet". On peut apprécier l' intensité exceptionnelle du jeu de Coltrane à chaque occasion et la splendide cohésion du quartet notamment dans les multiples interprétations de "Mr P.C." ou de "My Favorite Things" (en particulier celle de Berlin en 1963). On trouve aussi des versions surprenantes de "Bye Bye Blackbird" et "The Inch Worm" ainsi que de "Naima", la plus belle étant probablement celle enregistrée à Stockholm en 1963.
Un coffret "for happy few" qui est le complément idéal des enregistrements studio du quartet.
Wednesday, October 04, 2006
Col-Trane ! Col-Trane !
On ne pouvait ne pas célébrer dans ce blog le 80ème anniversaire de la naissance de John Coltrane. Il est né le 23 septembre 1926 à Hamlet, Caroline du Nord.
Saluons ici le superbe numéro d' octobre de Jazz Magazine qui célèbre magnifiquement cet anniversaire.
J' aimerai ici mettre un coup de projecteur sur un de mes albums préférés de Trane, "Coltrane" enregistré et publié par Impulse en 1962. C' est le premier disque de Coltrane à la tête de ce qui deviendra son "classic quartet". C' est donc le début d' une aventure que le disque nous donne à entendre mais aussi déjà un premier sommet. L' alchimie de ce quartet est déjà évidente avec la force propulsive d' Elvin Jones, la subtilité du piano de McCoy Tyner et la solidité de Jimmy Garrison. Coltrane commence à trouver sa voie (voix) qui va l' amener à la quête du son universel.
Le titre qui ouvre l' album au titre évocateur "Out of This World" exprime la quintessence de la métamorphose à l' oeuvre dans le jeu de Coltrane. Coltrane commence à exposer la mélodie de Johnny Mercer assez fidèlement avec cette force lyrique qui lui est propre avant de se lancer dans une exploration sonore de plus en plus sauvage et énergique où toute la palette du saxophone est utilisée, du grave au suraigu, de notes timbrées en notes étranglées.
Vient ensuite le lyrisme sublime de "Soul Eyes", la sublime ballade de Mal Waldron qui trouve ici son interprétation ultime.
Les autres titres sont tout aussi dignes d' éloges, notamment "Big Nick" et sa mélodie rebondissante et jubilatoire.
Le disque dégage une sérénité bouleversante comme plus tard "Crescent" et "A Love Supreme".
On a souvent parlé à propos de Coltrane de la fureur et de la complexité de ces longues improvisations et il est vrai qu' il a su comme nul autre repoussé les limites de son instrument et du Jazz en général.
Mais ce qui compte le plus pour moi, c'est la force lyrique de sa musique, l' âme et l' humanité si fortes qui se dégage de son son.
Et Coltrane dégage cette force et cette beauté aussi bien dans la simplicité d' une ballade que dans ses envolées les plus incandescentes.
Ainsi, on ira écouter le feu brûler dans les sessions "Live At The Village Vanguard 1961", la suite libertaire "Ascension" ou encore, parmi d' autres, les expériences ultimes réunies dans "Stellar Regions", et se reposer (repos tout relatif car l' intensité est là!) dans les eaux calmes et chaudes des albums "Duke Ellington & John Coltrane" et "John Coltrane & Johnny Hartman".
Bonne ivresse coltanienne à tous !
Extrait audio : "Alabama" from "Live At Birdland", 1963
Morceau écrit par Coltrane en hommage aux quatre petites filles noires tuées dans l' explosion de douze bâtons de dynamite dans une église de Birmingham en Alabama.
Sunday, September 24, 2006
More Mingus !
Après l' excellent "Blues & Roots", j' aimerai parler aujourd' hui d' un album qui présente une autre facette de la musique de Charles Mingus.
"Charles Mingus presents Charles Mingus" est un disque enregistré en quartet, une formation plus réduite où l' improvisation tient une place encore plus importante. Le quartet est composé d' Eric Dolphy, sax alto et clarinette basse, Ted Curson, trompette, Mingus, contrebasse et Dannie Richmond, batterie.
Un quartet fantastique avec des musiciens aventureux qui multiplient les prises de risque.
Mingus adopte ici la formule en vogue du quartet d' Ornette Coleman, le quartet sans piano.
Ce disque est peut-être le plus free de toute l' oeuvre de Mingus. Quatre titres "Folks Forms I", "Original Faubus Fables", "What Love?", "All the Things You Could Be by Now if Sigmund Freud's Wife Was Your Mother" et autant de classiques bénéficiant d' interprétations généreuses jusqu' à 15 minutes pour "What Love?".
La grande curiosité du disque est bien sûr la version vocale censurée par Columbia quelques mois plus tôt des "Fables of Faubus". Les paroles dénoncent la politique du gouverneur Faubus et de ses acolytes Rockfeller et le président Eisenhower. En voici la traduction française :
"Oh Seigneur, ne les laisse pas nous abbattre/ Oh Seigneur, ne les laisse pas nous poignarder/ Oh Seigneur, ne les laisse pas nous rouler dans le goudron et les plumes/ Oh Seigneur, plus de croix gammées!/ Oh Seigneur, plus de Ku Klux Klan!/ - Cite-moi quelqu' un de ridicule?/ -Le Gouverneur Faubus/ - Pourquoi est-il malade et ridicule?/ - Il s' oppose à l' intégration scolaire [des noirs]/ - Alors, c'est un dingue/ A Bas les nazis, les fascistes, ceux qui se croient supérieurs/ A Bas le Ku Klux Klan/ - Cite-m' en quelques-uns qui sont ridicules/ - Faubus, Rockfeller, Eisenhower/ - Pourquoi sont-ils à ce point malades et ridicules?/ - Deux, quatre, six, huit. Ils vous lavent le cerveau et vous enseignent la haine."
Ces attaques politiques sont proférées avec beaucoup d' humour par Mingus et Richmond. Le titre est ainsi un mélange curieux de colère et de jubilation. Il est aussi remarquable par la complexité de sa strucure musicale et par ses fréquents rebondissements, de phrases apaisées en élans brusques et résolus.
Pour une analyse plus approfondie de ces "Fables of Faubus", je vous conseille la lecture un peu austère mais passionnante de "L' Amérique de Mingus. Musique et politique : les Fables of Faubus de Charles Mingus" de Didier Levallet et Denis-Constant Martin.
Livre disponible sur : http://www.decitre.fr/livres/L-Amerique-de-Mingus.aspx/9782867441912
On peut retrouver cet album mythique dans le remarquable coffret Mosaic malheureusement épuisé "The Complete Candid Recordings" où l' on trouve des titres inédits issues de la même session, notamment une superbe interprétation de "Stormy Weather" par Eric Dolphy.
Les autres sessions Candid de Mingus toutes enregistrées en 1960 sont aussi trés intéressantes notamment grâce à la présence du génial Eric Dolphy. Deux géants du Jazz classique Roy Eldridge et Jo Jones participent à la dernière session de ce coffret, une session qui apparaîtera dans le disque "Newport Rebels".
Pour lire une excellente interview et (re)découvrir l' anti-conformisme rageur de Charles Mingus, allez visiter cette page du site de Jazz Magazine :
http://www.jazzmagazine.com/Interviews/Dhier/mingus/Mingusitv64.htm
On trouve aussi dans le même site de notre cher magazine de Jazz, une fine analyse des concerts parisiens de 1964 par Jean-Louis Comolli :
http://www.jazzmagazine.com/Interviews/Dhier/mingus/MingusCR64.htm
On peut trouver depuis peu un superbe double CD "The Great Concert of Charles Mingus" qui documente la soirèe du 19 juillet 1964. On y trouve notamment une fantastique version de "Fables of Faubus" de plus de vingt minutes !
Comolli note, dans son article, l' enthousiasme du public pour la musique pourtant exigente de Mingus. Rappelons que l' accueil du public français fût beaucoup plus mitigé quelques années plus tôt en 1960 lors du festival d' Antibes. Dans l' enregistrement de ce concert d' Antibes, on peut même entendre quelques sifflets pendant les moments les plus free des solos d' Eric Dolphy.
Extrait Audio : "Prayer For Passive Resistance"
from "Mingus at Antibes 1960"
Eric Dolphy, as ; Booker Ervin, ts ; Ted Curson, tp
Charles Mingus, b ; Dannie Richmond, dr
Wednesday, September 06, 2006
Charles Mingus : Blues & Roots
Ce disque est pour moi le plus grand disque de Mingus, en tout cas le plus jubilatoire et le plus soulful. Magnifique hommage aux racines de la Great Black Music, le disque dégage une énergie folle et un vent de liberté qui annonce les tempêtes du Free.
Mingus, l' homme en colère, a rarement été aussi percutant bien aidé par de merveilleux accompagnateurs.
On ne louera jamais assez la brillante paire rythmique qu' il forme avec le batteur Dannie Richmond. Le pianiste Horace Parlan joue sur la plupart des titres, il apporte une couleur bluesy jouissive à l' orchestre. Des racines blues et gospel qui s' entendent aussi dans le jeu des saxophonistes Jackie McLean, John Handy et Booker Ervin. Le groupe est complété par les deux trombonistes Willie Dennis et Jimmy Kneepper et le baryton Pepper Adams particulièrement mis en valeur dans "Moanin'".
Le disque ne contient que des classiques mais on peut particulièrement remarquer "The Jelly Roll Soul", un titre plein d' humour en hommage à Jelly Roll Morton, un des pionners du Jazz.
Pour découvrir d' autres facettes de l' oeuvre de Mingus, je vous conseille vivement l' écoute du trés beau coffret "Passions of a Man : The Complete Atlantic Recordings 1956-1961".
Outre cet album, on peut y trouver l' excellent "Pithecanthropus Erectus" et une performance tonitruante du groupe de Mingus avec Eric Dolphy au festival d' Antibes.
Extrait audio : "Moanin'" from "Blues & Roots"
Sunday, September 03, 2006
Keith Jarrett : Solo
Le pianiste Keith Jarrett est un des musiciens de Jazz les plus passionnants de ces dernières décennies. Son style introspectif peut évoquer le pianiste Bill Evans qui est un de ses principaux modèles. Mais il a su créer un style tout à fait unique qui brille dans tous ses enregistrements que ce soit en solo, trio ou en quartet. Son jeu est d' un grand dynamisme rythmique conjugué à un goût prononcé pour le décalage mélodique qui apporte complexité à ses impros.
Son toucher de piano si distinctif est directement inspiré par les techniques de la guitare folk.
Le soin de la respiration des notes, si présente dans le Köln Concert, est sans doute aussi influencée par la pratique du saxophone. Cette respiration est obtenue grâce à son contrôle de l' attaque et de la résonance des notes du piano.
En 1971, il enregistre son premier opus solo "Facing You". Il choisit la voie de l' improvisation totale mais à l' opposé du Free Jazz, il n' est que peu tenté par la musique atonale.
Il ouvre un nouvel espace de liberté au sein de la musique tonale. Sa musique est souvent une vibrante ode à la mélodie. Ses performances solos sont l' occasion de communions quasi mystiques avec l' instrument. Il y a une dimension extatique dans l' approche de Jarrett de la musique. On peut entendre souvent sa voix accompagner ses impros, une manière à lui d' exprimer l' état de transe qui l' habite quand il joue.
Quatre ans plus tard, Jarrett va sortir l' album qui va le révéler aux mélomanes du monde entier "The Köln Concert". Un autre opus solo enregistré cette fois en public. Dès les premières minutes, on est séduit par l' espace crée par la mélodie inaugurale. On pourrait s' imaginer un paysage lunaire, un désert. La musique de ce concert est unique et allie constructions mélodiques complexes et longues plages modales.
Sous les doigts de Jarrett, l' improvisation devient méditation, exploration des possibilités de l' instrument et quête de la beauté profonde du son.
Une quête où tous les auditeurs sont conviés !
Le pianiste Keith Jarrett est un des musiciens de Jazz les plus passionnants de ces dernières décennies. Son style introspectif peut évoquer le pianiste Bill Evans qui est un de ses principaux modèles. Mais il a su créer un style tout à fait unique qui brille dans tous ses enregistrements que ce soit en solo, trio ou en quartet. Son jeu est d' un grand dynamisme rythmique conjugué à un goût prononcé pour le décalage mélodique qui apporte complexité à ses impros.
Son toucher de piano si distinctif est directement inspiré par les techniques de la guitare folk.
Le soin de la respiration des notes, si présente dans le Köln Concert, est sans doute aussi influencée par la pratique du saxophone. Cette respiration est obtenue grâce à son contrôle de l' attaque et de la résonance des notes du piano.
En 1971, il enregistre son premier opus solo "Facing You". Il choisit la voie de l' improvisation totale mais à l' opposé du Free Jazz, il n' est que peu tenté par la musique atonale.
Il ouvre un nouvel espace de liberté au sein de la musique tonale. Sa musique est souvent une vibrante ode à la mélodie. Ses performances solos sont l' occasion de communions quasi mystiques avec l' instrument. Il y a une dimension extatique dans l' approche de Jarrett de la musique. On peut entendre souvent sa voix accompagner ses impros, une manière à lui d' exprimer l' état de transe qui l' habite quand il joue.
Quatre ans plus tard, Jarrett va sortir l' album qui va le révéler aux mélomanes du monde entier "The Köln Concert". Un autre opus solo enregistré cette fois en public. Dès les premières minutes, on est séduit par l' espace crée par la mélodie inaugurale. On pourrait s' imaginer un paysage lunaire, un désert. La musique de ce concert est unique et allie constructions mélodiques complexes et longues plages modales.
Sous les doigts de Jarrett, l' improvisation devient méditation, exploration des possibilités de l' instrument et quête de la beauté profonde du son.
Une quête où tous les auditeurs sont conviés !
Saturday, August 26, 2006
Ben Webster : Discographie sélective
Ben Webster fait partie des trois grands ténors de la Swing Era avec Coleman Hawkins et Lester Young. Dans les années 30, il s' impose comme l' un des plus brillants disciples du maître Hawkins. Il adopte le style musclé et viril de son modèle dans les tempos rapides mais il est aussi un interprète sensible de ballades où son son d' une grande sensualité s' exprime magnifiquement. Il utilise souvent un fort vibrato, les notes sont alors plus soufflées que jouées. Cette sonorité particulière lui valut le surnom de "Frog".
De 1931 à 1933, il participe à l' orchestre de Bennie Moten qui peut être considéré comme le prédécesseur du fameux orchestre de Count Basie. Les enregistrements historiques de 1932 font partie des premiers chefs d' oeuvre du Swing.
De 1934 à 1940, Ben Webster joue avec Andy Kirk, Lionel Hampton, Fletcher Henderson, Benny Carter, Cab Calloway et Teddy Wilson. Mais c' est en rejoignant l' orchestre de Duke Ellington qu' il va rencontrer le succés.
De 1940 à 1943, Ben Webster et Duke vont signer ensemble de nombreux chefs d' oeuvre : Cotton Tail, Sepia Panorama, Just A Settin' And A Rockin', All Too Soon, Raincheck et bien sûr le sublime Chelsea Bridge composé par Billy Strayhorn. La splendide version de Stardust capté Live à Fargo en 1940 est aussi un des grands moments de Ben Webster chez Duke.
Ben Webster tient ainsi une place importante dans une des périodes les plus prolifiques de l' orchestre de Duke Ellington.
Il se produit ensuite de plus en plus à la tête de son propre groupe avant de rejoindre Duke Ellington (1948-1949).
Dans les annèes 50, il est une des vedettes du label de Norman Granz, Verve, et participe à de nombreux concerts du JATP.
Connu pour sa force physique, Ben Webster ne repugnait pas à jouer des poings. Le photographe Herman Leonard raconte qu' un soir au bar de Birdland, il voulait en donner la preuve à son ami Joe Louis, champion du monde poids lourd. Le boxeur légèrement sonné lui renvoya tout aussi amicalement le coup. Ben dût être envoyé à l' hôpital.
En 1953, il signe l' album "King of The Tenors" qui reste un de ses meilleurs. Il est ici magnifiquement entouré par de grands anciens de la Swing Era, Harry "Sweets" Edison et Benny Carter et par la rythmique de luxe de la firme de Norman Granz menée par Oscar Peterson. On savourera notamment l' explosive reprise de Cotton Tail et les magnifiques ballades de l' album.
En 1957, il enregistre avec le quartet d' Oscar Peterson le classique "Soulville". Un bon disque avec de nombreux blues.
Je préfère toutefois l' album "Ben Webster Meets Oscar Peterson" de 1959 avec le trio classique de Peterson avec Ray Brown et Ed Thigpen bien meilleur que le quartet du disque de 1957. On trouve de superbes ballades dans ce disque notamment une reprise magnifique de la chanson de Sinatra "In The Wee Small Hours of The Morning".
En 1958, il enregistre le trés bon "The Soul of Ben Webster" entouré par de plus jeunes musiciens, Art Farmer et Jimmy Jones entre autres. Cet album a été réédité par Verve au sein d' un double CD avec deux autres sessions où participait Ben Webster, l' une dirigée par Harry "Sweets" Edison avec le quartet d' Oscar Peterson et l' autre par Johnny Hodges avec Roy Eldridge et Billy Strayhorn au piano !
En 1959, Ben collabore avec Gerry Mulligan pour un disque que je ne connais pas encore.
Dans les années 60, il s' installe en Europe à Copenhague et Amsterdam.
Il disparaît dans cette ville en 1973.
Saturday, August 12, 2006
A Sinatra Collection
Le premier disque de Frank Sinatra à acquérir, spécialement pour l' amateur de Jazz, est le Live at The Sands enregistré en 1966 avec le fantastique orchestre de Count Basie conduit par Quincy Jones.
Sinatra est alors au sommet de sa popularité et de son charisme et on l' entend ici dans ce casino mythique de Las Vegas qui était alors comme sa seconde maison.
La puissance et le Swing de l' orchestre est époustouflant tout au long du concert et Sinatra montre sa parfaite maîtrise vocale habituelle.
Le disque contient des versions inoubliables de "I' ve Got You Under My Skin", "I' ve Got A Crush On You" (où Sinatra plaisante avec le ténor de l' orchestre), "Fly Me To The Moon" ou encore "One For My Baby (And One More For The Road)"
Un régal absolu !
L' art de Sinatra est plus profond dans ses albums consacrés aux ballades.
Je conseillerai en premier lieu son premier disque long play qui date de 1955 "In The Wee Small Hours". Outre la splendide chanson-titre, l' album contient de nombreuses richesses avec la lecture de nombreux standards Jazz arrangés par Nelson Riddle dont "Mood Indigo" et "Can't We Be Friends".
En 1957, Sinatra collabore avec l' arrangeur Gordon Jenkins pour le magnifique "Where Are You?".
Les luxurieux arrangements de cordes de Jenkins sont un parfait écrin pour la voix de Frank.
L' annèe suivante, Sinatra retrouve le talentueux Nelson Riddle pour le mélancolique et trés beau "Only The Lonely" qui contient une splendide version d' "Angel Eyes".
On entend clairement l' influence de Billie Holiday dans les interprétations de Frank Sinatra, en particulier dans les ballades, il y a cette même manière de ressentir profondément le sens de la chanson et une certaine parenté dans le découpage rythmique du chant.
Sinatra prend constamment des libertés avec la mélodie et le rythme de la chanson, ce sont des écarts subtils mais qui font toute la magie de ses interprétations.
C'est pour cela que Sinatra est un grand chanteur de Jazz même si il a aussi investi l' univers de la variété.
Un des plus bel exemple du style Sinatra, entre swing et pop, est l' album bien-nommé Songs for Swingin' Lovers ! de 1955 qui bénificie une fois encore du soutien de deux fidèles, l' arrangeur Nelson Riddle et le trompettiste historique, ancien du Count Basie Orchestra, Harry "Sweets" Edison. La voix de Sinatra est particulièrement légère et aérienne dans cet album.
Il nous offre notamment la version historique de "I've Got You Under My Skin" avec l' arrangement original de Riddle que Sinatra conservera tout au long de sa carrière dans ses nombreuses performances publiques.
On trouve dans la discographie de Sinatra des albums orientés plus Jazz.
Parmi eux, l' enthousiasmant "Swingin' Session" de 1962 avec toujours les arrangements de Nelson Riddle.
On signalera aussi l' excellent "Sinatra & Swingin' Brass" de la même année avec les arrangements explosifs de Neal Hefti, connu pour être l' arrangeur de l' album mythique "Atomic Basie", et quelques solos de Ben Webster !
Pour terminer en beauté, évoquons le sublime album "Francis Albert Sinatra & Antonio Carlos Jobim" enregistré au début de l' année 1967.
Sinatra s' approprie à merveille les mélodies de Jobim et la douce mélancolie de la bossa-nova porté par les arrangements subtils de Claus Ogerman.
La voix de Sinatra n' a jamais été aussi douce que dans ce disque, comme si son chant tendait au chuchotement.
Un ravissement renouvelé à chaque écoute !
Monday, August 07, 2006
Grant Green, génie du Soul-Jazz
Grant Green est un des grands maîtres du Soul-Jazz.
Formé à l' école du Boogie-Woogie et du R&B, il fut fortement influencé par Charlie Christian, le premier guitariste à intégré les innovations du Be-Bop à son jeu.
Grant Green possède un sens du groove unique. A l' instar de Miles Davis, son génie réside dans son art de toujours jouer la note juste.
Son style allie ainsi simplicité et force expressive.
Immédiatement reconnaissable comme peu de guitaristes, Green fut avant tout un magnifique interprète de Blues. Il fut aussi un créateur parfaitement original.
Son jeu en "single-notes" et refusant le jeu en accords n' a aucun équivalent dans le Jazz.
Le génie de Grant Green est déjà évident dès son premier album "Grant's First Stand" paru chez Blue Note en 1961. L 'album présente Grant Green en trio avec le bouillonant organiste trop peu enregistré "Baby Face" Willette et le batteur Ben Dixon. Il signe là un des chefs d' oeuvre du Soul-Jazz. Robert Levin écrit dans ses notes du livret que Green est doté d' une vive imagination rythmique et d' une énergie qui a fait dire à un musicien que si Horace Silver jouait de la guitare, il sonnerai comme Green.
A la fin de cette même année, il enregistre des faces remarquables plus Hard-Bop avec l' excellent pianiste Sonny Clark. Elles sont aujourd' hui regroupées dans un double Cd vivement recommandé "The Complete Quartets With Sonny Clark".
En 1962, Green rend hommage aux standards du Gospel avec le trés beau "Feelin' The Spirit" qui bénéficie du support d' Herbie Hancock au piano et de Billy Higgins à la batterie.
L' album qui suit au titre pourtant évocateur "Am I Blue" est une légère déception.
En 1963, Grant Green signe son chef d' oeuvre "Idle Moments".
Les musiciens sont en état de grâce dans le morceau-titre de près de quinze minutes qui ouvre l' album. La magnifique mélodie du pianiste Duke Pearson est magnifiquement interprétée par le guitariste avant des solos non moins splendides de Bobby Hutcherson et Joe Henderson.
Ce titre fait partie pour moi des grands chefs d' oeuvre du Jazz toutes époques confondues, un voyage musical paradisiaque.
Les thèmes et l' instrumentation de l' album sont plus élaborés que dans ses précédents disques et montrent l' intérêt de Green pour les formes nouvelles du Jazz moderne.
Une ouverture confirmée avec l' album "Matador" paru en 1964 toujours chez Blue Note. Grant Green croise le fer avec deux musiciens du John Coltrane Quartet, McCoy Tyner au piano et Elvin Jones à la batterie. La séance est une grande réussite et démontre la capacité d' adaptation du guitariste à des environnements musicaux trés divers. Tyner et Jones y sont remarquables dans un registre différent qu' au sein du quartet de Coltrane.
Green va poursuivre sa trajectoire ambitieuse en collaborant avec l' organiste Larry Young.
Young intègre les avancées du Jazz modal à son jeu d'orgue et si Jimmy Smith fut grandement influencé par Bird, Larry Young exploite avec talent les nouveautés apportées par Coltrane.
Il est aussi un accompagnateur particulièrement subtil et intelligent.
Le duo Green-Young vont réaliser ensemble quatre albums en l' espace de quelques mois, de septembre 1964 à mars 1965.
Le premier "Talkin' About !" , en trio avec Elvin Jones, est fabuleux, en particulier le frénétique morceau d' ouverture "Talkin' About J.C" (J.C., on le devine, autant pour John Coltrane que pour Jesus Christ).
Le deuxième "Into Somethin'" est le premier disque Blue Note de Larry Young en tant que leader. Il contient un splendide thème de Green "Plaza De Toros" et bénéficie de l' apport du saxophoniste Sam Rivers.
Les deux derniers albums du duo "Street of Dreams" et "I Want To Hold Your Hand" toujours avec Elvin Jones à la batterie présente Grant Green en subtil interprète de ballades.
Parrallèlement à sa collaboration avec Young, Grant Green crée avec "Big" John Patton une musique plus groovy.
Le tandem est peut-être ce qui s' est fait de mieux dans le genre. On peut apprécier leur entente quasi télépathique dans l' excellent "Let' Em Roll" de l' organiste et "Got A Good Thing Goin'", un album resté longtemps inédit qui présente des reprises savoureuses de standards R&B comme "Shake" et "Ain't That Peculiar".
Suite à des problèmes de drogue, sa carrière musicale va quelque peu s' essoufler à partir de 1966, il n' enregistra qu' un disque entre 1966 et 1969. A partir de ce moment, son jeu perdra en fluidité et en qualité.
Grant Green est décédé à l' âge de 47 ans le 31 janvier 1979.
Saturday, August 05, 2006
The Salsoul Orchestra : The Anthology
Voilà une des belles découvertes de l' été, une nouvelle fois grâce au précieux site http://www.allmusic.com.
Fondé par Vince Montana Jr en 1974, le groupe, comme son nom l' annonce, mixe la salsa et la soul et s' impose vite comme l' un des meilleurs orchestres de l' ère Disco.
The Salsoul Orchestra allie avec bonheur raffinement et dance music. Son leader n' est pas étranger à cette richesse musicale. Vince Montana Jr commenca sa carrière musicale comme vibraphoniste et percussionniste de Jazz (il joua dans les années 50 avec entre autres Charlie parker et Stan Getz) mais il va rencontrer le succès en devenant l' un des principals artisans de la "Philly Soul" en collaborant en tant que musicien, arrangeur ou producteur avec des groupes comme The Delfonics, Harold Melvin and the Blue Notes ou The O'Jays.
Avec The Salsoul Orchestra et le label du même nom, il invente un nouveau style de dance music en parfaite adéquation avec l' insouciance de l' époque Disco.
L' orchestre ne compte pas moins de 50 musiciens avec une imposante section de cordes et des vocalistes brillantes et very sexy !
La musique de Salsoul donne aussi une place importante aux solos instrumentaux notamment le vibraphone swinguant de Montana.
Bref, c'est un régal que d' écouter ce groupe qui m' était complétement inconnu il y a un mois.
On peut même entendre dans cette musique les origines de la House music la plus légère et la plus festive.
Extrait audio : The Salsoul Orchestra : Getaway
Thursday, August 03, 2006
The Mahavishnu Orchestra : The Inner Mounting Flame, 1971
Ce disque fait partie sans contestation possible des chefs d' oeuvre du jazz-fusion, encore meilleur que l' explosif "Birds of Fire" (l' album qui va lui succéder) car plus diversifié et plus spontané.
C' est le premier album du Mahavishnu Orchestra du nom que prit McLaughlin quand il devint disciple du gourou Sri Chinmoy. Fortement inspiré par la tradition hindoue, Sri Chinmoy est aujourd' hui à la tête d' une organisation sectaire qui assure sa promotion en organisant concerts et manifestations sportives. Un autre grand guitariste, Carlos Santana, est un de ses disciples. Ces musiciens ont sans doute été séduits par sa vision de la musique comme "langage universel de Dieu". Il cite sur son site Aldous Huxley qui dit : «Juste après le silence, le prochain moyen d’expression de l’inexprimable est la musique.»
Pour vous informer sur les dangers de la secte, visiter les adresses suivantes :
- http://www.prevensectes.com/chinmoy.htm
- http://www.unadfi.com/bulles/bulles%2081/bulles817.htm
Revenons à la prodigieuse musique de cet album après cette petite diversion, Mahavishnu Orchestra ne propose pas seulement un mélange de Jazz et de Rock mais il mixe aussi des éléments de musique classique européenne, de musique indienne, de country et de musique celtique. C' est une musique ouverte sur toutes les influences interprétée par des musiciens virtuoses.
On notera l' époustouflant "Noonward Race", hommage à peine déguisé au "Machine Gun" d' Hendrix.
A découvrir aussi, un autre grand disque de John McLaughlin "My Goal's Beyond" enregistré en 1970 entre deux séances pour le projet de Miles Davis "A Tribute To Jack Johnson".
L' album se décline en deux parties bien distinctes.
La première est une session acoustique merveilleuse. McLaughlin est au début de sa carrière, pourtant ces vingt minutes de musique font entendre un musicien accompli d' une grande maturité. Une musique sereine et méditative qui est pour moi un grand moment de guitare jazz.
A savourer en particulier la sublime version de "Goodbye Pork Pie Hat", le magnifique thème de Charles Mingus en hommage à Lester Young.
La deuxième est une longue Jam acoustique en deux parties avec de nombreux musiciens dont une sitariste et deux futurs membres de Mahavishnu, le violoniste Jerry Goodman et le batteur Billy Cobham.
Deux morceaux qui évoquent l' univers de Coltrane en particulier le titre "India" issu du Live at the Village Vanguard 1961.
Un disque tout aussi indispensable que le premier.
Monday, July 31, 2006
Art Blakey : A Night at Birland Vol. 1 & 2
Ce disque Live historique nous renvoie aux origines du Hard-Bop.
Enregistré en février 1954, il inaugure une année prolifique qui verra naître le quintet Clifford Brown-Max Roach, les collaborations Miles Davis-Horace Siver dans "Walkin'" et "Bags Groove" et en novembre les premiers enregistrements des Jazz Messengers le groupe référence du mouvement co-dirigé par Horace Silver et Art Blakey.
Ce disque réunit quelques-uns des acteurs principaux de l' émergence de ce style qui est aujourd' hui dominant dans le jazz : Clifford Brown, le trompettiste météore disparu à l' âge de 26 ans ; Lou Donaldson, altiste brillant qui deviendra un des leaders du Soul-Jazz , il montre ici un jeu trés parkérien ; Horace Silver, un des grands inventeurs du Hard-Bop, il apporte la touche bluesy à la musique du groupe ; Curly Russell, contrebassiste qui avait déjà collaboré avec Charlie Parker et Art Blakey qui montre ici toute la puissance et la vitalité de son jeu.
Toutes ces futurs stars ne sont qu' au début de leur carrière au moment de ce Live mais elles ont déjà une maîtrise parfaite de leurs instruments. Les solos de Clifford Brown sont particulièrements brillants, notamment dans la ballade "Once in A While" et le parkérien "Wee-Dot". La beauté de son son et sa vélocité dans ses impros sont proprement uniques.
Avec de nombreux thèmes empruntés au Be-Bop comme "A Night In Tunisia" de Gillespie ou "Now's The Time " de Parker, ce disque n'en est pas moins un des plus parfaits exemples du style Hard Bop.
Le Hard-Bop est né en réaction au cool jazz que certains noirs ont considéré comme une récuppération affadissante du Be-Bop. Le Hard-Bop se propose dons de re-vitaliser et viriliser le Jazz. Il s' accompagne par un certain retour aux sources de la culture noire-américaine en mélangeant le gospel, le blues et les acquis du Bop ainsi qu' au retour de l' expressionnisme avec des solistes comme Charles Mingus, Cannonball Adderley ou Jackie McLean.
Ce disque est un véritable bain de jouvence qui nous replonge dans cette époque intensément créatrice.
Extrait audio: "Announcement by Pee Wee Marquette - Split Kick (Horace Silver)"
Sunday, July 30, 2006
Mes disques Blue Note favoris :
1. Art Blakey : A Night at Birdland, 1954
Un Live historique avec pratiquement que des futurs leaders du label : Clifford Brown, Lou Donaldson, Horace Silver et bien sûr l' immense Art Blakey.
2. Grant Green : Idle Moments, 1963
La quintessence du style Soul-Jazz.
3. Sonny Rollins : A Night at the Village Vanguard Vol. I & II, 1957
Encore un Live historique avec Elvin Jones à la batterie.
4. Horace Silver : A Song For My Father, 1963
Le chef d' oeuvre d' Horace Silver avec Joe Henderson.
5. Cannonball Adderley : Somethin' Else, 1958
Un grand disque avec un sublime Miles Davis.
6. Herbie Hancock : Maiden Voyage, 1965
Un disque audacieux avec Freddie Hubbard, George Coleman et Tony Williams.
7. Jackie McLean : Let Freedom Ring, 1962
Un disque presque free du fougueux Jackie McLean.
8. Wayne Shorter : Adam' s Apple, 1966
Un superbe disque de Shorter avec Herbie Hancock et Joe Chambers.
9. Lee Morgan : Leeway, 1960
Un chef d' oeuvre Soul-Jazz méconnu avec un lumineux Jackie McLean et les soulful Bobby Timmons et Art Blakey.
10. Ornette Coleman : At The Golden Circle, Vol. I & II, 1965
Un Live tonitruant d' Ornette avec David Izenzon à la basse et Cherles Moffett à la batterie.
11. John Coltrane : Blue Train, 1957
La tornade Coltrane encore trés Hard-Bop !
12. Bud Powell : The Amazing Bud Powell Vol. I & II, 1949-1953
Le génie de Bud.
13. Wayne Shorter : Speak No Evil, 1964
Un superbe album assez dans l' esprit du "Maiden Voyage" de Hancock.
14. Don Cherry : Complete Communion, 1965
Du Free chez Blue Note !
15. Grant Green : Talkin' About, 1964
Un formidable disque de Grant Green avec le grand organiste Larry Young.
16. Lee Morgan : The Sidewinder, 1963
Un classique du Jazz Funky avec encore Joe Henderson !
17. Andrew Hill : The Point of Departure, 1964
Le chef d'oeuvre du pianiste Andrew Hill avec l' extraordinaire Eric Dolphy.
18. Herbie Hancock : Takin' Off, 1962
L' album du hit "Watermelon Man" (extrait audio) mais pas seulement.
19. Kenny Burrell : Midnight Blue, 1967
Un délicieux disque Soul-Jazz avec Ray Barretto aux percus.
20. Big John Patton : Let' Em Roll, 1965
Un bijou groovy avec Grant Green et Bobby Hutcherson.
Cette liste ne se veut en aucun cas un classement des meilleurs disques Blue Note, qui n' aurait aucun sens. Elle indique seulement un degré de préférence tout relatif et se veut une modeste sélection parmi le trés riche catalogue Blue Note.
Swinguin' with the Oscar Peterson Trio !
Le sublime trio d' Oscar Peterson avec Ray Brown à la basse et Ed Thigpen à la batterie signe en 1964 avec "We Get Requests" son chef d'oeuvre. Le disque est un modèle de swing et d' élégance pour tous les trios de Jazz. La parfaite entente entre les musiciens est lumineuse tout au long de l' album. Le répertoire est d' une grande variété alternant standards, thèmes bossa-nova (plutôt nouveaux pour le groupe) et une mélodie originale "Goodbye, J.D." pour conclure l' album.
Le trio se refuse ici à une démonstration de virtuosité, la plupart des titres étant mid-tempo. C' est un swing léger, aérien et mélodique que nous propose le trio.
Le sommet de l' album est pour moi le titre "Have You Met Miss Jones ?". Oscar expose la mélodie de manière trés romantique avant que le tempo s' accélère peu à peu avec l' arrivèe de la basse swinguante de Ray Brown, le titre devient ensuite un feu d' artifice de swing.
On peut aussi remarquer la magnifique lecture de la ballade "The Days of Wine And Roses" et le titre swinguant emprunté au MJQ et composé par John Lewis "D&E". Malgré toute cette diversité, le disque trouve une belle unité.
De la musique cinq étoiles à savourer !
J' aimerai aussi vous conseiller d' autres disques du trio d' Oscar Peterson.
D' abord, deux Live du trio piano-guitare-basse avec Herb Ellis et Ray Brown :
- "The Oscar Peterson Trio at the Stratford Shakespearean Festival", Verve, 1956
- "The Oscar Peterson Trio at the Concertgebouw", Verve, 1958
Et trois autres disques du trio de "We Get Requests" :
- "The Trio: Live from Chicago", Verve, 1961
- "The Sound of the Trio", Verve, 1961
- "Night Train", Verve, 1962
Friday, July 28, 2006
Miles Davis : The Cellar Door Sessions 1970
Sony Music a fait un immense cadeau à tous les fans de Miles en publiant ce coffret extraordinaire. Six disques au coeur d' un des groupes les plus passionnants de la période électrique de Miles, enregistrés dans des conditions parfaites au Cellar Door de Washington en 1970.
La section rythmique composée de Jack DeJohnnette à la batterie et du jeune Michael Henderson (19 ans à l' époque) à la basse est absolument prodigieuse.
Airto Moreira aux percussions ajoute ses sons étranges et mystérieux à l' irrésistible groove maintenu par les deux premiers.
Une des grandes découvertes du coffret est l' extraordinaire performance de Keith Jarrett au Fender Rhodes. Pour quelqu' un qui a souvent exprimé sa méfiance vis à vis des instruments électriques, il semble ici particulièrement à l' aise. Il faut noter qu' il devait partager quelques mois plus tôt les claviers avec Chick Corea et il n' arrivait pas à s' exprimer pleinement dans ce contexte. Il est responsable de quelques-uns des plus beaux moments de ce coffret avec ses magnifiques introductions solos, ou la manière malicieuse qu' il a d' accompagner la trompette mutante du maître, surtout dans les différentes versions de "Honky Tonk".
L' incandescence du jeu du sax Gary Bartz colle parfaitement à la musique du groupe, superbe !
Les deux derniers disques voient l' ajout du guitariste John McLaughlin. McLaughlin est sans doute une des figures les plus importantes de la période électrique de Miles. Il a tenu une place majeure dans les trois grands chefs d' oeuvre électriques de Miles : "In A Silent Way", "Bitches Brew" et "A Tribute to Jack Johnson". Personnellement, le sommet de la collaboration Miles-McLaughlin est à chercher dans un titre fleuve de "Big Fun", l' époustouflant "Go Ahead John".
Outre le plaisir d' écouter ce groupe extraordinaire, il y a bien sûr le jeu de Miles.
Son sens quasi mystique du timing n' a jamais été aussi net que dans cette période même si cette qualité est primordiale dans son jeu depuis ses débuts.
A partir des années 70, il procède à une épuration de son style pour donner une place encore plus importante au rythme. Son jeu gagne ainsi en puissance et en profondeur.
La musique de ce coffret communique des émotions d' une rare intensité.
So, Enjoy !!!
Extrait audio : "What I Say" (Miles Davis)
Wednesday, July 26, 2006
Sensuelles musiques pour nuits d' été !
Si vous avez envie d' écouter de la Soul music torride pour accompagner vos nuits estivales, je vous conseille ces deux albums Motown de 1976 "I Want You" de Marvin Gaye et "Musical Massage" de Leon Ware.
La genèse de "I Want You" est plutôt originale. Le single-titre a été écrit par Leon Ware pour le nouvel album de T-Boy Ross chez Motown. Le patron de la firme, Berry Gordy, apprécia tellement la chanson qu' il voulut en faire le nouveau single de Marvin Gaye. Marvin approuva ce choix. Ware poursuivit l' écriture de son nouvel album. Après avoir fini les mélodies et les arrangements de tous les titres, il fit écouter le fruit de son travail à ses amis chez Marvin Gaye. Marvin fut tellement séduit par ces titres qu' il voulut tous les utiliser pour son nouvel album. Ware accepta comme attendu car on ne pouvait pas refuser grand chose à Marvin Gaye à cette époque.
L' album "I Want You" se révéla être une grande réussite tant commerciale (il atteignit le Top 10) qu' artistique. La voix de Marvin se lovant admirablement dans les arrangements subtils de Ware. Il retrouvait avec cet album l' univers érotique du fameux "Let's Get It On" mais avec un son plus moderne fortement inspiré par le disco.
L' édition Deluxe parue en 2003 offre de nombreuses versions alternatives souvent passionnantes notamment des versions instrumentales et une sublime version de "I Want You" avec juste la(les) voix de Marvin et la rythmique. J' ai écrit les voix de Marvin car les arrangements vocaux de l' album utilisent avec talent la technique de l' overdubbing qui consiste à superposer plusieurs pistes enregistrées par la même personne.
Ayant donné ses chansons à Marvin, Leon Ware dut se remettre au travail pour créer un nouvel opus. Ses qualités d' arrangeur sont intacts dans "Musical Massage" avec une présence des cordes plus importante et quelques titres plus rythmés comme le trés bon "Body Heat".
Il nous fait apprécier aussi sa trés belle voix, écouter par exemple l' explicite "Don't You Wanna Come". A noter que l' édition Cd offre en bonus des interprétations de Ware de titres issus d' "I Want You". Même si on retrouve dans cet album la même sensualité que dans "I Want You", le charisme extraordinaire de Marvin Gaye n' est pas là et cela fait toute la différence.
Merci à allmusic.com, une véritable mine d' informations musicales qui m' a beaucoup aidé dans la rédaction de cet article.
Extrait audio : "I Want You" (T-Boy Ross/Leon Ware)
Tuesday, July 25, 2006
Back to November 1957 !
J' ai eu envie de parler de ce mois historique dans l' histoire du Jazz car c' est pendant celui-ci que Rudy Van Gelder va installer ses micros pour capter les splendides performances de Sonny Rollins au Village Vanguard et de Jimmy Smith au Smalls' Paradise de Harlem.
Ces deux lieux mythiques de la nuit new-yorkaise ont sans doute vécu de grands moments de musique mais ces quelques nuits continueront longtemps à faire rêver les jazzfans du monde entier.
Les deux volumes de Sonny Rollins : A Night at the Village Vanguard réunissent les enregistrements du trio de Sonny Rollins lors de deux séances, une l' après-midi et une le soir, captées le 3 novembre 1957.
Sonny atteint ici le sommet de son art. Il sonne de manière plus détimbré que dans "Saxophone Colossus" mais il a ce soir-là une fluidité extraordinaire dans son jeu ainsi qu' une inspiration qui semble inépuisable.
Le disque révèle un besoin de liberté de plus en plus vif dans le Jazz de l' époque, on peut ainsi presque dire que ce disque annonce à sa manière la révolution du Free.
Les accompagnateurs de Sonny sont pour beaucoup dans la magie de ce disque. Wilbur Ware à la basse est d' une solidité exemplaire et Elvin Jones brille de mille feux avec un jeu plus léger que celui qu' il montrera avec Coltrane mais d' une fantastique virtuosité. On ne doit pas aussi oublier le superbe batteur Pete LaRoca qui oeuvre dans la séance diurne.
Le double Cd "Jimmy Smith : Groovin' at Smalls' Paradise" récemment réédité avec de nombreux titres inédits dans la collection "The RVG Edition" présente un style de Jazz bien différent.
Dès ses débuts chez Blue Note en 1956, Jimmy Smith s' est imposé comme un des leaders d' une nouvelle forme de Jazz, le Jazz-Soul ou Jazz Funky.
Cette mouvance visait à rapprocher le Jazz, et sa grandissante complexité depuis l' avénement du Bop, avec la musique populaire noire-américaine soit le blues , le gospel mais aussi les nouveaux sons du R&B et du Funk.
Ce Live présente de manière flamboyante les grands talents d' improvisateur de Jimmy Smith. La musique de Smith possède la force des grands hymnes Gospel tout en intégrant dans son discours les influences de Charlie Parker et d' Erroll Garner (c'est particulièrement net dans les ballades de ce disque).
On peut ici entendre le maître au meilleur de sa forme pendant plus de deux heures dans le cadre intimiste d' un club accompagné par son trio habituel.
A noter que son premier disque chez Blue Note date seulement d' un an au moment de ce concert, c' est donc la musique d' une étoile montante en plein épanouissement artistique que ce disque nous donne à entendre.
On se régale des grands moments de Swing tels "Walkin'" ou "The Champ" mais les ballades sont elles aussi enthousiasmantes comme la trés belle version de "Body And Soul" et l' impressionnante interprétation extatique de "Laura".
Bonne écoute à tous !
Wednesday, July 19, 2006
Qu'est-ce que le Swing ?
Cette notion si vague et si abondamment utilisée dans les commentaires sur le Jazz mérite qu' on tente de lui donner une définition personnelle.
Pour moi, le Swing , c'est l' alliance du plaisir des formes et de la jubilation rythmique.
Miles Davis a dit : "Il ne sert à rien de jouer beaucoup de notes, il suffit de jouer les plus belles." Miles a d' ailleurs démontré tout au long de sa vie, dans sa musique, la vérité de cette phrase.
En effet, un musicien qui swingue est celui qui sait jouer la bonne note au bon moment, celle qui nous fait hérisser les poils et battre le rythme toujours plus fort.
Dans le Jazz, le musicien se doit avant tout de sentir le rythme et surtout de le faire ressentir profondément à l' auditeur, de l' entrainer dans la jouissance rythmique, qui nous renvoie peut-être aux moments pré-nataux où l' on était bercé par le rythme cardiaque de notre mère.
L' un des plus parfaits exemples de swing est sans doute ce fameux solo de Paul Gonsalves de 27 chorus avec l' orchestre de Duke Ellington au festival de Newport 1956 sur "Diminuendo In Blue And Crescendo In Blue".
Les formes jouées sont non seulement d' une parfaite élégance mais ce qui déclenche notre enthousiasme et celle du public de Newport, c'est la parfaite alliance de son solo avec le rythme, cet envol formel qui se conjugue avec une escalade dans la possession par le rythme.
L' écoute du Jazz est ainsi bien souvent une danse intellectuelle. Une expression qui fût aussi utilisée pour qualifier le jeu de Lester Young, autre grand pourvoyeur de swing.
Jack Kerouac dans "Sur la route" a décrit magnifiquement cette extase propre au Jazz dans une scène dans un club où un saxophoniste attrape le "it" portant la foule dans un véritable état de transe.
Le Jazz dans cette dualité entre création formelle et transe rythmique semble être la musique qui a su le mieux répondre à l' art idéal que Nietzche décrit dans "La Naissance de la Tragédie enfantée par l' esprit de la musique" (le sous-titre ne nous est pas indifférent !).
L' Art se doit ainsi d' allier l' apollinien et le dionysiaque.
Apollon est le dieu des formes, de "la belle apparence du monde intérieur de l' imagination".
Apollon, dont la racine du nom est le "brillant", est la lumière qui règne sur le monde des formes et du rêve.
Dionysos est le dieu de l' ivresse.
Chez les grecs, Apollon est le dieu des arts plastiques alors que Dionysos est le dieu des arts non plastiques.
Mais ces deux impulsions différentes sont en perpétuel dialogue dans l' art grec pour aboutir à "des productions toujours nouvelles et de plus en plus vigoureuses" et à la naissance de la tragèdie.
Dans les premières pages du livre, Nietzche décrit ainsi l' ivresse dionysiaque :
" Transformez en tableau l' "Hymne à la joie" de Beethoven et ne laissez pas votre imagination en reste lorsque les millions d' êtres se prosternent en frémissant dans la poussière : c'est ainsi qu' il est possible d' approcher le dionysiaque. Maintenant, l' esclave est un homme libre, maintenant se brisent toutes les barrières hostiles et rigides que la nécessité, l' arbitraire et la "mode insolente" ont mises entre les hommes. Maintenant, dans cet évangile de l' harmonie universelle, non seulement chacun se sent uni, réconcilié, confondu avec son prochain, mais il fait un avec tous, comme si le voile de Maya s' était déchiré et qu' il n' en flottait plus que des lambeaux devant le mystère de l' Un originaire. Par le chant et la danse, l' homme manifeste son appartenance à une communauté supérieure : il a désappris de marcher et de parler et, dansant, il est sur le point de s' envoler dans les airs. Ses gestes disent son ensorcellement. De même que les animaux maintenant parlent et la terre donne lait et miel, de même résonne en lui quelque chose de surnaturel : il se sent dieu, il circule lui-même extasié, soulevé, ainsi qu' il a vu dans ses rêves marcher les dieux. L' homme n' est plus artiste, il est devenu oeuvre d' art : ce qui se révèle ici dans le tressaillement de l' ivresse, c'est, en vue de la suprême volupté et de l' apaisement de l' Un originaire, la puissance artiste de la nature toute entière."
Il ne reste plus qu' à s' incliner devant la beauté ...
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