Friday, August 07, 2009

Wynton Marsalis à Vienne et Marciac


Wynton Marsalis est revenu à Vienne, après plusieurs années d' absence, avec son rutilant Lincoln Center Jazz Orchestra.
Cet orchestre a donné une véritable leçon de swing avec une merveilleuse section d' anches, une rythmique impeccable formé de Carlos Henriques à la basse et Ali Jackson à la batterie, bref la perfection à tous les étages.
La musique proposée a été d' une grande diversité.
On a pu entendre un magnifique arrangement de Fletcher Henderson du Boléro de Ravel où a brillé la section d' anches, des compositions plus modernes de Ted Nash intitulés "Matisse" et "Pollock", des arrangements swing avec même une touche latine de compos de Monk, assez surprenantes en cela qu' ils effacent un peu la rugosité de la musique du pianiste pour mieux mettre en valeur la beauté mélodique de ses morceaux.
La grande révélation a été le pianiste Dan Nimmer qui a électrisé le public à chacune de ses interventions en solo. Une virtuosité extraordinaire et un jeu qui évoque parfois Erroll Garner.
J' ai aussi particulièrement apprécier les solos d' une belle intensité du saxophoniste ténor Walter Blanding Jr.
En rappel, Wynton Marsalis, assez discret jusque-là, nous a offert deux morceaux en quintet où il a pu montrer une nouvelle fois toute sa maîtrise instrumentale.
Malgré ces merveilleux moments de musique, on peut remarquer que Marsalis a du mal à se départir d' une certaine raideur, un côté studieux qui enlève un peu de magie à sa musique.

Quelques semaines plus tard, Wynton Marsalis a donné un nouveau concert à Marciac diffusé par la chaîne Mezzo.
La première partie a été assurée par le trio du pianiste Marcus Roberts. Le concert a vraiment décollé quand Wynton a rejoint la scène pour dialoguer brillamment avec le groupe. Le pianiste donnant alors le meilleur de lui-même comme stimulé par la présence de Wynton. Un beau moment de Jazz.
La deuxième partie proposait un hommage à Sidney Bechet. Le sextet de Wynton Marsalis, où l' on retrouvait la brillante rythmique Nimmer-Henriques-Jackson, le formidable tromboniste Wycliffe Gordon et le clarinettiste et saxophoniste Victor Goines qui donna une sublime version à la clarinette de "Petite Fleur", était augmenté par deux invités, héritiers de Sidney Bechet, le vétéran américain Bob Wilber, brillant de bout en bout, et le saxophoniste français Olivier Franc qui a enflammé le public par la générosité de son jeu et qui a offert une belle version de "Summertime".
Un hommage vivant et chaleureux à la musique de Bechet où Wynton s'est montré particulièrement en verve.
Même si ce retour au passé fait polémique dans le Jazz, en cela qu'il est opposé à l'esprit de cette musique qui est de chercher sans cesse de nouvelles formes d' expression, on ne peut que s' incliner devant la maestria de Wynton Marsalis.

Monday, February 23, 2009

Coltrane

O Saint John Coltrane !
Entraîne-nous dans le torrent tempétueux de la musique,
A ta suite, nous nous transformons en géant marchant sur les montagnes et sur les flots,

O Elvin, la danse folle de tes tambours,
géant toi aussi au coeur du foyer d' incandescence du rythme et de l' harmonie,

O McCoy Tyner, les carillons de ton piano nous consument à petit feu,
Jusqu'au Cri du Trane,
qui nous libére et nous arrache Out of This World,

au coeur de la pulsion vitale qui anime toutes choses.





Filmé à Comblain-La-Tour, Belgique, 1er août 1965
Publié en DVD dans la série "Jazz Icons" et rediffusé sur Mezzo le 03/03/09 à 04h 00.

Thursday, February 05, 2009

Ahmad Jamal, l' esthète du piano


Pour fêter la venue prochaine du grand pianiste Ahmad Jamal à Lyon, je vous propose un petit tour d' horizon de son oeuvre.

Par son approche musicale unique, il influença fortement Miles Davis et lui donna les clés d' une nouvelle esthétique qui aboutira avec les chefs d'oeuvres intemporels du Jazz que sont les albums Milestones et Kind of Blue. Dans Milestones, on trouve un morceau en trio Billy Boy où Red Garland, à la demande de Miles, s' inspire fortement de la version qu'en a donné Jamal quelques années plus tôt.

Jamal, dès son premier trio avec le guitariste Ray Crawford et le bassiste Eddie Calhoun, inventa une approche tout à fait inédite du trio. Il pense alors le trio comme un orchestre où chaque voix s' exprime à part égale avec des alliages de timbre d' une grande subtilité. Le trio est pensé comme un orchestre.

Jamal redistribue les rôles habituellement associés aux instruments du trio. Le piano n'est plus seul dépositaire de l' expression mélodique. Il arrive que le pianiste énonce une partie de la mélodie et qu' elle soit ensuite complétée par le guitariste et le bassiste. La guitare de Crawford se fait elle volontiers percussive avec une justesse et une délicatesse sonore jubilatoire.

Jouant sur les effets de contraste et l' ambivalence entre tension et détente, Jamal magnifie le Swing et donne à sa musique une vigueur rythmique superlative. La gestion de l'espace musical et l' utilisation des silences participent à ce projet qui libèrent la musique. Le jeu minimaliste du pianiste, et qui tend à le devenir de plus en plus avec le temps, permet une plus grande respiration rythmique et une meilleur interaction entre les musiciens.

Les enregistrements de 1951 à 1955 avec le trio piano-guitare-basse sont regroupés dans le splendide CD The Legendary Okeh and Epic Recordings, ainsi que dans Chamber Music of the New Jazz où l' on trouve la version de New Rhumba dont l' arrangement sera repris pour grand orchestre par Gil Evans et Miles Davis dans Miles Ahead. On y trouve l' art de soliste et d' arrangeur de Jamal déjà à son plus haut. Si ces enregistrements sont faits en studio, les suivants seront enregistrés en club .


Ainsi si les premiers apparaissent comme des bijoux ciselés, les enregistrements Live ont cette spontanéité, cette liberté propres à la musique crée sur le vif. La formation a alors subi un changement de taille, exit la guitare, place à la batterie merveilleusement inventive de Vernell Fournier. Israel Crosby tient toujours sa place à la basse, gagnant encore en puissance et virtuosité au côté de Fournier. La puissance rythmique du trio s' en voit fortement renforcée et les nombreux moments où Jamal se tait pour laisser place à son duo de rythmiciens sont des sommets de Swing.  Avec de tels partenaires, le jeu de Jamal brille de mille feux. Ce mélange d' économie et de virtuosité savamment distillé confine au sublime.

Le premier de ces enregistrements Live et le plus fameux date de 1958, il s' agit du  Live at the Pershing Lounge 1958. Ce disque remporta un vif succès populaire, chose rare dans le Jazz. On pourra aussi se régaler du Complete Live at the Spotlite Club 1958 réédité par Gambit, maison de disques basé à Andorre qui ne verse pas les droits aux auteurs, ce dont se plaint ouvertement Jamal dans une interview accordé à Jazzman l' annèe dernière. Viennent ensuite les Live de 1961 à l' Alhambra et au Blackhawk.



Dans cette même interview, Jamal exprime sa grande admiration et reconnaît la grande influence qu' a eu sur son jeu le pianiste, originaire de Pittsburg comme lui, Erroll Garner. C'est vrai qu' on peut déceler la même richesse rythmique chez les deux musiciens. Pour vous en rendre compte, je vous conseille, outre le fameux et jubilatoire Concert by The Sea, le disque Body And Soul publié par Columbia, qui réunit des interprétations épatantes de 1951 et 1952.

Pour finir, j' aimerai évoquer le trio de Bill Evans avec Scott LaFaro et Paul Motian, qui est pour moi le prolongement du travail de précuseur de Jamal visant à épanouir les différents protagonistes du trio. Bill Evans et ses acolytes, en particulier dans les inoubliables enregistrements au Village Vanguard en 1961, ont porté le trio vers d' autres sommets où la grâce mélodique l' emporte sur la puissance rythmique.