Monday, July 17, 2006


Lester Young fut un des musiciens les plus extraordinaires et les plus originaux des années 30. Il marqua de son empreinte la "Swing Era". Ce fut le premier saxophoniste à se démarquer de l' emprise quasi exclusive de "l' inventeur du saxophone" Coleman Hawkins. A la force virile de la musique du Hawk, il oppose un style fait de légéreté et de décontraction. La nouveauté réside dans le son, détimbré avec un faible vibrato se rapprochant du son d' un sax alto, une nouvelle pulsion rythmique avec de fréquents enjambements des barres de mesures et un effacement des différences entre temps forts et temps faibles et un phrasé melodique qui s' affranchit de l' improvisation harmonique de l' ecole dominante.
Ainsi, dès ses débuts, Lester se veut un musicien singulier et son flegme et sa décontraction sont en effet en parfaite opposition avec la frénésie et la transe du Jazz de l' époque, notamment au sein de l' orchestre de Count Basie.
Les exemples disographiques de ce premier style sont :

- Shoe Shine Boy, 1936 avec le Jones-Smith Incorporated
- Lady Be Good, 1936 avec le Jones-Smith Incorporated
- Roseland Shuffle, 1937 avec le Count Basie Orchestra
- One O' Clock Jump, 1937 avec le Count Basie Orchestra
- Every Tub, 1938 avec le Count Basie Orchestra
- Swinguin' The Blues, 1938 avec le Count Basie Orchestra

A cette même époque, Lester fait la rencontre de son double musical, la chanteuse Billie Holiday. Les deux musiciens se découvrent la même sensiblité écorchée et une esthétique trés proche.
Cette alliance quasi miraculeuse va faire naître de nombreux chefs d' oeuvres, en voici quelques-uns :

- This Year's Kisses, 1937
- Foolin' Myself, 1937
- I'll Never Be The Same, 1937
- Me, Myself And I, 1937
- Born To Love, 1937
- Gettin' Some Fun Out Of Life, 1937
- All Of Me, 1941

La discographie de Lester Young de 1936 à 1944 est d' une grande richesse, il enregistre avec l' orchestre de Count Basie, avec Billie Holiday et avec plusieurs petites formations parfois sous sa direction. Et c' est peut-être au sein de ces groupes qu' il donne le meilleur de lui-même.

- Way Down Younder In New Orleans, 1938 avec le Kansas City Seven
- I Want A Little Girl, 1938 avec le Kansas City Seven
- I Got Rythm, 1943 avec le Dickie Wells Orchestra
- Sometimes I' m Happy, 1943 avec Slam Stewart, basse et Sid Catlett, batterie
- Lester Leaps Again, 1944 avec les Kansas City Seven, Count Basie, piano
- Destination K.C., 1944 avec les Kansas City Seven, Count Basie, piano
- Blue Lester, 1944 avec Count Basie, piano
- Ghost of A Chance, 1944
- Jammin' The Blues, 1944 - sublime film d' une quinzaine de minutes de Gjon Mili

En septembre 1944, Lester est enrolé dans l' armèe. Son indiscipline et le racisme de ses supérieurs va lui valoir les pires humiliations. Sa sensibilité va en sortir définitivement brisée. Cette expérience va provoquer un rapide déclin physique et moral accéléré par un alcoolisme aigu.
En 1945-1946, il posséde encore la majorité de ses moyens même si sa musique est de plus en plus marquée par son état dépressif.

- D.B Blues, 1945 avec Vic Dickenson, trombone
- These Foolish Things, 1945
- Back To The Land, 1946 avec Nat King Cole, piano
- The Man I Love, 1946 avec Nat King Cole, piano
- I Want To Be Happy, 1946 avec Nat King Cole, piano


Les années cinquante seront une lente descente aux enfers pour Lester mais la magie de sa musique est loin d' avoir disparu. Il décide de ne pas cacher son déclin mais au contraire de le mettre en scène dans sa musique.
Son style est fait à présent de déchirures et son son semble vouloir se réduire au seul souffle.
Son évolution musicale devient ainsi le miroir de sa vie d' homme.
C' est pour cela que le personnage de Lester Young nous touche si profondément des années après sa mort.
Aucun musicien ne s' est dévoilé à travers sa musique avec autant d' honnêteté, sans aucune concession.
Il a inspiré toute une philosophie de vie basée sur la nonchalance et le culte de la douceur que l' on retrouvera chez les saxophonistes West Coast.
Pour approcher cette musique crépusculaire, je ne saurai trop vous conseiller le coffret "The Complete Verve Sessions".
Mais un disque "Count Basie At Newport" en 1957 nous prouve que Lester était encore capable d' échappées pleines de vivacité et même de fureur dans l'incroyable "Lester Leaps In".
Voici quelques exemples amoureusement choisies de ce dernier style :

- Slow Motion Blues, 1951 avec John Lewis, p
- On The Sunny Side of The Street, 1952 avec Oscar Peterson, p
- That's All, 1955 avec Harry Edison, tp et Oscar Peterson, p
- One O' Clock Jump, 1955 avec Harry Edison, tp et Oscar Peterson, p
- Pres Returns, 1956 avec Teddy Wilson, p et Jo Jones, dr
- All Of Me, 1956 avec Harry Edison, tp et Oscar Peterson, p
- Polka Dots And Moonbeams, 1957 avec le Count Basie Orchestra à Newport
- They Can't Take That Away From Me, 1958
- I Can't Get Started, 1959

Lester Young est mort le 15 mars 1959 dans une chambre de l' hôtel Alvin à New York.

Lectures :
Alain Gerber : Lester Young
Dictionnaire du Jazz, Robert Laffont

Vidéo : Jammin' The Blues, 1944
Film de Gjon Mili avec Lester Young (ts),Harry Edison (tp), Jo Jones (dr) et Illinois Jacquet (ts).

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