Saturday, March 17, 2007



Amon Tobin : Foley Room

Le blog s' écarte pour une fois de la Great Black Music pour saluer le dernier album du génial Dj d' origine brésilienne Amon Tobin. Ce grand manipulateur de sons a décidé pour cet album d' abandonner les sources enregistrées (vynils en l' occurence) et d' aller chercher directement des bruits pour les organiser et les retravailler. La "Foley Room" est ainsi la salle où les bruits sont enregistrés pour la bande-son des films.
Amon Tobin a utilisé les sons les plus divers, des vombrissements de moteur aux bruits produits par des fourmis ou des ustensiles de cuisine. Il aussi fait appel aux musiciens du Kronos Quartet, magnifiquement utilisés dans le morceau d' ouverture.
Tobin montre une nouvelle fois son talent d' architecte sonore. Malgré la diversité sonore, l' album forme un tout cohérent. Sa musique est fortement évocatrice, presque cinématographique.
L' utilisation de ces bruits ajoute un supplément d' âme à sa musique qui me paraissait un peu froide dans ses précédents disques.
Superbe hommage à la musique concrète, cet album se place au sommet de son oeuvre atteignant une force poétique inédite.

Wednesday, March 14, 2007



James Brown : King of Funk

La compilation "In The Jungle Groove" regroupent des enregistrements du "Soul Brother n° 1" durant l' âge d' or de la naissance du Funk, 1969-1971. Cette compilation, parue en 1986 en pleine période Hip-Hop, mouvement qui doit beaucoup, comme on sait, à James Brown, est à l' opposé du classique Best of. Elle contient au contraire de nombreuses raretés qui se révèlent tous être de véritables chefs d' oeuvre du Funk.
On peut ainsi apprécier le single mythique, jamais paru au sein d' un album, Funky Drummer, le fantastique morceau Give It Up or Turnit a Loose que l' on connaissait mixé avec des bruits "Live" au sein de l' album Sex Machine. Ce chef d'oeuvre est suivi par une Jam inédite, I Got to Move.
On trouve ensuite un formidable interlude , intitulé Funky Drummer (Bonus Beat Reprise), où le batteur Clyde Stubblefield, seulement accompagné par la basse de Bootsy Collins et la voix de James Brown, offre une leçon magistrale de Funky Beat.
L' album est complété par des versions longues de classiques du répertoire de JB, Talkin' Loud And Sayin' Something, Get Up, Get Into It, Get Involved, Soul Power et Hot Pants.
Cet album offre la quintessence de la période la plus excitante de la carrière de James Brown, de 1969 à 1971, où il mit le rythme au centre de sa musique et inventa ainsi le Funk.

Saturday, March 10, 2007



Stan Getz

From "The Long Island Sound" to "The Steamer"


Le 30 décembre 1958 voit le véritable démarrage de la fantastique carrière du saxophoniste Stan Getz. Ce jour-là, il grave au côté du grand orchestre de Woody Herman un solo d' anthologie sur le thème que le pianiste et arrangeur Ralph Burns a composé pour lui, Early Autumn. Ce qui frappe d' abord est la beauté du son du saxophone, détimbré, évanescent, d' une indicible mélancolie. Le solo se distingue aussi par l' élégance et la logique parfaites des phrases jouées par Getz.

Alors qu' il n' était jusqu' alors qu' un saxophoniste obscur, Stan Getz va rencontrer un immense succès grâce à ce titre. Les amateurs vont rapidement le baptiser "The Long Island Sound", un surnom qui évoque la poésie et la légèreté de son son. Dans les mois qui suivent la parution de ce titre, Stan Getz, qui dirige maintenant son propre groupe, cherche à épurer toujours plus son son et à reproduire, comme le public lui réclame, la magie d' Early Autumn. Mais il se rend vite compte que cette voie le conduit à une impasse. Son son d' une transparence extrême devient fantomatique. Il éprouve le besoin d' élargir son champ d' expression. Il va ainsi jouer de plus en plus dans les registres médium et grave de l' instrument alors qu' il utillisait surtout le registre aigu et son son va devenir plus timbré, plus coloré.

Ses enregistrements pour le label Roost effectués en 1950 avec les trios d' Al Haig et Horace Silver, pianiste vigoureux qu' il a découvert, montrent le début de cette évolution et la diversité de son répertoire de la ballade Yesterdays au vif Strike Up The Band en passant par la trés belle composition de Johnny Mandel, Hershey Bar.

En 1951, il forme un quintet co-dirigé avec le guitariste Jimmy Raney qui enregistre un disque Live légendaire au Storyville de Boston. Ce disque révèle la formidable cohésion du groupe, les musiciens se répondant sans cesse en de subtils contrepoints. Getz révèle une nouvelle fois son imagination musicale qui semble inépuisable.
L' entente entre Getz et Raney évoquent celle entre Gerry Mulligan et Chet Baker au sein du quartet sans piano du baryton.

En 1952, il rejoint l' écurie de Norman Granz et signe de nombreux albums pour ses labels, Clef, Norgran et Verve.
Il participe aussi aux tournées du JATP où il peut se mesurer avec les plus grandes pointures du Jazz de l' époque tels Oscar Peterson , Lester Young...
Ces années vont être fertiles en rencontres et vont le pousser à faire évoluer son jeu et à montrer ses talents de swingman reconnu par Oscar Peterson lui-même, qui lui donne le surnom de "The Steamer".

Son son devient plus riche, plus ample et il n' hésite pas à se lancer dans les tempos les plus vifs comme dans le fantastique disque avec Dizzy Gillespie et Sonny Stitt, For Musicians Only (1956). Sur Be Bop, pris à un tempo infernal, il offre un contraste saisissant, par son jeu legato, avec les deux boppers orthodoxes que sont Gillespie et Stitt.

Un autre exemple des plus hots de cette époque est le fantastique album At The Opera House (1957) enregistré Live avec le tromboniste JJ Johnson. Getz lui-même dira qu' il fait partie de ses albums préférés. On peut l' entendre donner des coups de dents agressifs sur son anche pour ponctuer ses phrases, un procédé qui n' altère en rien la fluidité extraordinaire de son discours.

D'autres sommets émaillent cette période, tels l' album West Coast Jazz (1955) avec le trompettiste Conte Candoli qui contient une superbe version de Summertime et le formidable The Steamer avec l' excellent pianiste Lou Levy.
En 1953 et 1954, il s' associe avec le tromboniste à pistons, Bob Brookmeyer.
Il enregistre aussi des albums avec Lionel Hampton (1955), Oscar Peterson (1957), Gerry Mulligan (1957) et Chet Baker (1958).

En 1958, il part en Europe où il va rester deux ans.
De retour aux Etats-Unis, il se rend vite compte qu' il a été un peu oublié mais il va vite se remettre en selle en collaborant avec le compositeur et arrageur Eddie Sauter pour l' album Focus (1961), peut-être son chefs d' oeuvre, en tout cas, l' album où il montre le mieux toute sa force expressive et l' étendue de ses talents. Cet album est l' une des rares réussites de mariage entre musique classique occidentale et Jazz. Une réussite dûe sans aucun doute au génie musical de Stan Getz. Pouvant se glisser magnifiquement dans la mélodie comme dans A Summer Afternoon, il peut se placer quasiment en lutte avec l' orchestre tout au long de
Night Rider. Le moment le plus fort de cet album unique reste le premier titre avec les deux prises mis bout au bout avec des solos d' une inventivité extraordinaire et une partie de batterie phénoménale de Roy Haynes.

En 1962, il enregistre Jazz Samba avec le guitariste Charlie Byrd. Getz, arrivé à pleine maturité, intègre sans difficulté les subtilités de la Bossa Nova et sa magnifique sonorité, plus belle que jamais à cette époque, sera le parfait véhicule pour populariser cette musique à travers le monde.

L' année suivante, il s' associe avec le chanteur et guitariste Joao Gilberto et grave le hit The Girl From Ipanema. Plus tard, Getz parlera de ce titre comme celui qui lui a permis d' inscrire ses enfants à l' université
Getz ne se fera pas longtemps piéger par les sirènes du show-business qui lui conseillent d' exploiter sereinement sa notoriété. Il s' entoure à partir de 1965 de jeunes musiciens aux conceptions modernistes tels Gary Burton, Chick Corea et Steve Swallow, qui l' aident à se remettre en question.
Il joue de plus en plus en Europe et forme un groupe avec Eddy Louis, René Thomas et Bernard Lubat.

A la toute fin de sa vie, en mars 1991, il se produit en duo avec le pianiste Kenny Barron à Copenhague. Une performance qui donna l' émouvant disque People Time.
Il meurt chez lui à Malibu, le 6 juin 1991, victime d' un cancer du foie.
Un temps dénigré, sans doute à cause de son immense succès avec la Bossa Nova, Stan Getz est aujourd' hui unanimement reconnu comme l' un des plus grands saxophonistes de l' histoire du Jazz.

Extrait audio : Corcovado - Stan Getz, Astrud Gilberto & Joao Gilberto

Vidéo : Soul Eyes (Mal Wadron)
Stan Getz (ts), Kenny Barron (p), Yashutto Mori (b), Ben Riley (dr),
Stuttgart, 1989