Tuesday, October 31, 2006




La naissance du Country-Rock :
Gram Parsons,
The Flying Burrito Brothers et Emmylou Harris

Ma découverte de la musique de Gram Parsons s 'est faîte par l' intermédiaire des Rolling Stones, en particulier leur magnifique double album "Exile On Main Street", un album qui plongent aux racines de la musique américaine, du blues à la country en passant par le gospel, et dont Gram Parsons assista à la création à Villefranche-sur-mer en 1972.
Les deux albums, GP en 1972 et Grevious Angel en 1973, que signa Gram Parsons sous son nom sont deux merveilles. La beauté des mélodies, la modernité des arrangements qui réalisent la fusion entre country et rock et l' émotion de la voix de Gram ne peuvent laisser indifférent. Les harmonies vocales avec Emmylou Harris sont elles aussi remarquables.
Deux chefs d' oeuvre de la musique populaire américane, pas moins.
La disparition brutale de Gram Parsons en 1973 à l' âge de 26 ans laissera un grand vide dans le monde de la musique. Mais son influence ne cessera de grandir.
Son héritage ne se limite pas à ses deux albums solos, il va poser les bases du country-rock au sein de trois groupes " The International Submarine Band", "The Byrds", et "The Flying Burrito Brothers".

Les deux premiers albums de "The Flying Burrito Brothers", The Gilded Palace of Sin (1969) et Burrito Deluxe (1970) sont deux magnifiques exemples de la fusion entre country et rock avec même une approche plus rugueuse du son que dans l' oeuvre de Parsons. La musique du groupe reste fidèle à l' esprit folk de la country en y incluant une énergie et des sonorités rock. Ces albums, en particulier le premier, auront aussi une grande influence sur la musique de l' époque. Chez les "Flying Burrito Brothers", on entend l' urgence propre au rock, plus que dans l' oeuvre plus mûre de GP en solo.

Pour finir ce petit voyage musical, je vous recommande l' écoute des deux premiers albums d' Emmylou Harris, Pieces of the Sky (1975) et Elite Hotel (1976). Deux albums splendides fortement inspirés par la musique de son mentor Gram Parsons qui révèle tout le talent d' interprète d' Emmylou Harris.


Saturday, October 21, 2006








Count Basie : La quintessence du Jazz

Si on me demandait de choisir quelques disques à emmener sur une île déserte, mon choix se porterait sûrement en premier lieu sur un disque du Count Basie Orchestra, période 1936-1939.
Ses enregistrements, publiés pour la plupart chez Decca, nous offrent à chaque écoute un véritable bain de jouvence.
Cet âge d' or où il comptait dans ses rangs Buck Clayton, Harry "Sweets" Edison aux trompettes, le divin Lester Young et le formidable Herschel Evans aux sax ténor, Jimmy Rushing au chant et bien sûr la plus fameuse section rythmique du Jazz de l' époque formée du Count au piano, Freddie Green à la guitare, Walter Page à la basse et du lumineux Jo Jones à la batterie.
Peu de jazzfans peuvent lire ses noms illustres sans émotion et sans nostalgie pour ce paradis perdu du Swing.
Je vous conseille vivement la viste de ce site en hommage au Count :
http://newarkwww.rutgers.edu/ijs/cb/
On y trouve de splendides séances photos de l' orchestre de Basie des années 30 aux années 70, notamment une surprenante séance avec Coltrane !
Un vrai régal ! Les photos ici présentes sont empruntées à ce splendide site.

















Même si Basie resta fidèle au Swing toute sa vie, la magie de son orchestre de la fin des années 30 reste unique. L' auditeur peut entendre la spontanéité créative de cet orchestre symbolisée par les "head arrangements", arrangements non écrits d' un dynamisme prodigieux.
L' orchestre a aussi la chance d' avoir dans ses rangs un improvisateur révolutionnaire en la personne de Lester Young qui sait déplacer la machine à swing en des sphères vaporeuses. (voir article : http://frenchjazzfan.blogspot.com/2006/07/lester-young-fut-un-des-musiciens-les.html)
Au début des années quarante, malgré le départ de Lester et la disparition tragique de Herschel Evans, Count Basie continua à enregistrer de fort belles choses avec la participation notamment de Don Byas et Coleman Hawkins.
Basie arrive à faire survivre son orchestre dans les années cinquante, une période peu propice aux grands ensembles. Même Dizzy Gillespie ne put conserver son Big Band bien longtemps.
Le personnel de l' orchestre est presque entièrement renouvelé hormis l' immuable guitariste Freddie Green. Les nouveaux hommes forts sont les saxophonistes Frank Wess et Frank Foster et le chanteur Joe Williams. L' orchestre signe son chef d' oeuvre avec "April In Paris".
Avec le concours de l' arrangeur Neal Hefti et de l' explosif saxophoniste Eddie "Lockjaw" Davis, Basie signe un autre album marquant nommé "Atomic".
Basie connaîtra encore de belles heures dans la décennie suivante notamment en accompagnant Frank Sinatra avec la participation de l' arrangeur Quincy Jones. L' excellent "Live at The Sands" témoigne de la réussite de leur collaboration.
Pour finir, il faut parler du jeu de piano de Basie, un jeu particulièrement économe qui trouve sa véritable raison d' être dans le dialogue avec l' orchestre. Basie a souvent proclamé son peu de goût pour les solos. Ce qu' il a toujours préféré, c' est entendre son orchestre exploser sous ses ordres !
















Crédits photos :
1. Louis Armstrong et Count Basie en 1938 à Akron, Ohio. Frank Driggs Collection.
2. La section de trompettes du Count Basie Orchestra, Buck Clayton, Ed Lewis et Harry “Sweets” Edison, au Famous Door de New-York en 1938.
3. Count Basie en 1960. Photographie de Herb Snitzer

Extrait audio : Doggin' Around, 1938 - Count Basie Orchestra


Saturday, October 07, 2006

















Extrême Coltrane !


Après la chronique de "Coltrane" , un disque plutôt apaisé du "classic quartet", je vous propose de découvrir les performances Live volcaniques au Japon en juillet 1966 du groupe de John Coltrane.
Du "classic quartet", il ne reste qu' un membre, le brillant contrebassiste Jimmy Garrison qui s' offre de merveilleux longs solos dans ces concerts. McCoy Tyner et Elvin Jones sont partis quelques mois auparavant, ne se sentant plus en phase avec la musique de plus en plus free de Coltrane.
On peut penser que Coltrane avait de son côté besoin d' un autre accompagnement et on peut dire que ses nouveaux accompagnateurs sont radicalement différents de Tyner et Jones. Alice Coltrane au piano et Rashied Ali jouent une musique qui s' affranchit totalement des règles du Jazz traditionnel alors que Tyner et Jones modernisaient cet héritage mais en gardait l' empreinte tant au niveau harmonique que rythmique.
Coltrane déclara à propos de Ali : "
La manière dont il joue permet un maximum de liberté au soliste", affirmant sa nouvelle préférence pour le Free le plus radical.

Quelques propos de Coltrane font apparaître ses doutes (assez surprenants!) sur la modernité de sa musique par rapport à celle de ses contemporains les plus avant-gardistes :

"
Je pense que, de nous trois [Ornette Coleman, Eric Dolphy et lui-même], Ornette est celui qui a été le plus loin. Je pense sincèrement qu' Ornette et Eric ont eu plus de réussite que moi dans leurs tentatives. J' estime même être plutôt en retard. Je n' ai pas fait un tel bond en avant puisque je continue à utiliser les mêmes structures fondées sur les accords."

Cette déclaration date de 1961 et on peut penser qu' elle aurait été différente quelques années plus tard, en 1965 par exemple, année où son jeu se libère totalement du schéma harmonique classique.
Dès 1961, Coltrane manifeste son intérêt pour les saxophonistes
free qui lui montre de nouvelles voies à explorer, parmi ses influences, il parle de John Gilmore du Sun Ra Arkestra et surtout d' Albert Ayler.

"
Albert Ayler m' est trés proche. Je trouve qu' il est en train de déplacer la musique dans des fréquences encore plus enlevées. C' est peut-être là où je me suis arrêté qu' il commence (...), il a rempli un espace que je n' avais pas encore touché."

On sait qu' en 1965, il travaillait son instrument en écoutant des cassettes d' Ayler.
A mon avis, si Coltrane a éprouvé un peu de difficulté à se lancer dans la
free music, c'est qu' il était plus profondément nourri que ces jeunes confrères du vocabulaire hard-bop.
Ayler, Dolphy, Coleman se sont lancés avec fougue dans les territoires vierges du
Free alors que Trane s' est construit musicalement au sein du Hard Bop.
Admirable est sa volonté d' expérimenter et de faire évoluer sans cesse ses idées musicales et sa technique instrumentale, y compris son son.
Peu de jazzmen auront autant bouleverser leur musique en l' espace d' une décennie !

Gérard Rouy, dont l' article "
Free, Coltrane ?" paru dans Jazz magazine a fortement influencé ce petit texte, distingue trois sortes de disciples ou de suiveurs de Coltrane : "ceux qui useront jusqu' à la corde tous ses licks, tous ses clichés de phrasé, ceux qui s' imprégneront en profondeur de son vocabulaire et ceux enfin qui, comme par exemple Roscoe Mitchell, Evan Parker ou Daunik Lazro, retiendront l' esprit de sa démarche, expérimenter sans cesse de nouvelles idées jusqu' à l' éclatement des formes, jusqu' à l' utopie de l' expression libre sans limites ni entraves."


Revenons à présent à ce coffret de 4 CD "Live In Japan" qui donne à entendre Coltrane un an avant sa mort, comme au sommet de sa trajectoire d' artiste. Les moments les plus paroxistiques alternent avec de sublimes moments méditatifs. Coltrane bénéficie du soutien dans ces concerts de Pharoah Sanders, enflammé et inspiré comme jamais.
Ce coffret a été une magnifique découverte, il montre un autre visage de Coltrane que ses derniers enregistrements studios, encore plus frénétique, où l' expressivité sonore est alliée à la vivacité de l' improvisation sans filets.
La durée extrêmement longue des morceaux composant ce coffret, les versions de "Crescent" et "My Favorite Things" font chacune près d' une heure (!), donnent aux improvisateurs le temps pour de longues explorations souvent bouleversantes.
Une musique renversante à écouter absolument !


Pour les amateurs d' une musique moins chaotique (enfin, si ils préfèrent la musique douce, ils n' ont qu' à écouter Don Byas !), nous leur conseillons de découvrir les performances Live réunies dans le coffret de 7 Cds "Live Trane : The European Tours". Un Must pour tous les fans de Coltrane qui documente les tournées européennes 1961, 1962 et 1963. En 1961, Coltrane part en Europe accompagné d' Eric Dolphy, de Reggie Workman à la basse et de Tyner et Jones déjà à leurs postes. Un seul Cd rend compte de cette première tounée. On y trouve notamment une version enflammée de "Blue Train". On trouve ensuite trois titres, enregistrés au Birdland en 1962 par la même formation, abusivement désignés par l' éditeur du coffret comme enregistrés à Hambourg en 1961. C'est une erreur parmi d' autres dans l' édition de ce coffret. On peut trouver toutes les (bonnes) précisions discographiques dans l' excellent site de Dave Wild : http://home.att.net/~dawild/livetrane_details.htm
Le reste du coffret présente les tournées 1962 et 1963 de Coltrane avec son "classic quartet". On peut apprécier l' intensité exceptionnelle du jeu de Coltrane à chaque occasion et la splendide cohésion du quartet notamment dans les multiples interprétations de "Mr P.C." ou de "My Favorite Things" (en particulier celle de Berlin en 1963). On trouve aussi des versions surprenantes de "Bye Bye Blackbird" et "The Inch Worm" ainsi que de "Naima", la plus belle étant probablement celle enregistrée à Stockholm en 1963.
Un coffret "for happy few" qui est le complément idéal des enregistrements studio du quartet.




Wednesday, October 04, 2006



Col-Trane ! Col-Trane !

On ne pouvait ne pas célébrer dans ce blog le 80ème anniversaire de la naissance de John Coltrane. Il est né le 23 septembre 1926 à Hamlet, Caroline du Nord.
Saluons ici le superbe numéro d' octobre de Jazz Magazine qui célèbre magnifiquement cet anniversaire.

J' aimerai ici mettre un coup de projecteur sur un de mes albums préférés de Trane, "Coltrane" enregistré et publié par Impulse en 1962. C' est le premier disque de Coltrane à la tête de ce qui deviendra son "classic quartet". C' est donc le début d' une aventure que le disque nous donne à entendre mais aussi déjà un premier sommet. L' alchimie de ce quartet est déjà évidente avec la force propulsive d' Elvin Jones, la subtilité du piano de McCoy Tyner et la solidité de Jimmy Garrison. Coltrane commence à trouver sa voie (voix) qui va l' amener à la quête du son universel.

Le titre qui ouvre l' album au titre évocateur "Out of This World" exprime la quintessence de la métamorphose à l' oeuvre dans le jeu de Coltrane. Coltrane commence à exposer la mélodie de Johnny Mercer assez fidèlement avec cette force lyrique qui lui est propre avant de se lancer dans une exploration sonore de plus en plus sauvage et énergique où toute la palette du saxophone est utilisée, du grave au suraigu, de notes timbrées en notes étranglées.
Vient ensuite le lyrisme sublime de "Soul Eyes", la sublime ballade de Mal Waldron qui trouve ici son interprétation ultime.
Les autres titres sont tout aussi dignes d' éloges, notamment "Big Nick" et sa mélodie rebondissante et jubilatoire.
Le disque dégage une sérénité bouleversante comme plus tard "Crescent" et "A Love Supreme".

On a souvent parlé à propos de Coltrane de la fureur et de la complexité de ces longues improvisations et il est vrai qu' il a su comme nul autre repoussé les limites de son instrument et du Jazz en général.
Mais ce qui compte le plus pour moi, c'est la force lyrique de sa musique, l' âme et l' humanité si fortes qui se dégage de son son.
Et Coltrane dégage cette force et cette beauté aussi bien dans la simplicité d' une ballade que dans ses envolées les plus incandescentes.
Ainsi, on ira écouter le feu brûler dans les sessions "Live At The Village Vanguard 1961", la suite libertaire "Ascension" ou encore, parmi d' autres, les expériences ultimes réunies dans "Stellar Regions", et se reposer (repos tout relatif car l' intensité est là!) dans les eaux calmes et chaudes des albums "Duke Ellington & John Coltrane" et "John Coltrane & Johnny Hartman".

Bonne ivresse coltanienne à tous !

Extrait audio : "Alabama" from "Live At Birdland", 1963
Morceau écrit par Coltrane en hommage aux quatre petites filles noires tuées dans l' explosion de douze bâtons de dynamite dans une église de Birmingham en Alabama.