Saturday, August 26, 2006



Ben Webster : Discographie sélective

Ben Webster fait partie des trois grands ténors de la Swing Era avec Coleman Hawkins et Lester Young. Dans les années 30, il s' impose comme l' un des plus brillants disciples du maître Hawkins. Il adopte le style musclé et viril de son modèle dans les tempos rapides mais il est aussi un interprète sensible de ballades où son son d' une grande sensualité s' exprime magnifiquement. Il utilise souvent un fort vibrato, les notes sont alors plus soufflées que jouées. Cette sonorité particulière lui valut le surnom de "Frog".
De 1931 à 1933, il participe à l' orchestre de Bennie Moten qui peut être considéré comme le prédécesseur du fameux orchestre de Count Basie. Les enregistrements historiques de 1932 font partie des premiers chefs d' oeuvre du Swing.
De 1934 à 1940, Ben Webster joue avec Andy Kirk, Lionel Hampton, Fletcher Henderson, Benny Carter, Cab Calloway et Teddy Wilson. Mais c' est en rejoignant l' orchestre de Duke Ellington qu' il va rencontrer le succés.
De 1940 à 1943, Ben Webster et Duke vont signer ensemble de nombreux chefs d' oeuvre : Cotton Tail, Sepia Panorama, Just A Settin' And A Rockin', All Too Soon, Raincheck et bien sûr le sublime Chelsea Bridge composé par Billy Strayhorn. La splendide version de Stardust capté Live à Fargo en 1940 est aussi un des grands moments de Ben Webster chez Duke.
Ben Webster tient ainsi une place importante dans une des périodes les plus prolifiques de l' orchestre de Duke Ellington.
Il se produit ensuite de plus en plus à la tête de son propre groupe avant de rejoindre Duke Ellington (1948-1949).
Dans les annèes 50, il est une des vedettes du label de Norman Granz, Verve, et participe à de nombreux concerts du JATP.
Connu pour sa force physique, Ben Webster ne repugnait pas à jouer des poings. Le photographe Herman Leonard raconte qu' un soir au bar de Birdland, il voulait en donner la preuve à son ami Joe Louis, champion du monde poids lourd. Le boxeur légèrement sonné lui renvoya tout aussi amicalement le coup. Ben dût être envoyé à l' hôpital.

En 1953, il signe l' album "King of The Tenors" qui reste un de ses meilleurs. Il est ici magnifiquement entouré par de grands anciens de la Swing Era, Harry "Sweets" Edison et Benny Carter et par la rythmique de luxe de la firme de Norman Granz menée par Oscar Peterson. On savourera notamment l' explosive reprise de Cotton Tail et les magnifiques ballades de l' album.
En 1957, il enregistre avec le quartet d' Oscar Peterson le classique "Soulville". Un bon disque avec de nombreux blues.

Je préfère toutefois l' album "Ben Webster Meets Oscar Peterson" de 1959 avec le trio classique de Peterson avec Ray Brown et Ed Thigpen bien meilleur que le quartet du disque de 1957. On trouve de superbes ballades dans ce disque notamment une reprise magnifique de la chanson de Sinatra "In The Wee Small Hours of The Morning".
En 1958, il enregistre le trés bon "The Soul of Ben Webster" entouré par de plus jeunes musiciens, Art Farmer et Jimmy Jones entre autres. Cet album a été réédité par Verve au sein d' un double CD avec deux autres sessions où participait Ben Webster, l' une dirigée par Harry "Sweets" Edison avec le quartet d' Oscar Peterson et l' autre par Johnny Hodges avec Roy Eldridge et Billy Strayhorn au piano !
En 1959, Ben collabore avec Gerry Mulligan pour un disque que je ne connais pas encore.
Dans les années 60, il s' installe en Europe à Copenhague et Amsterdam.
Il disparaît dans cette ville en 1973.

Saturday, August 12, 2006



A Sinatra Collection

Le premier disque de Frank Sinatra à acquérir, spécialement pour l' amateur de Jazz, est le Live at The Sands enregistré en 1966 avec le fantastique orchestre de Count Basie conduit par Quincy Jones.
Sinatra est alors au sommet de sa popularité et de son charisme et on l' entend ici dans ce casino mythique de Las Vegas qui était alors comme sa seconde maison.
La puissance et le Swing de l' orchestre est époustouflant tout au long du concert et Sinatra montre sa parfaite maîtrise vocale habituelle.
Le disque contient des versions inoubliables de "I' ve Got You Under My Skin", "I' ve Got A Crush On You" (où Sinatra plaisante avec le ténor de l' orchestre), "Fly Me To The Moon" ou encore "One For My Baby (And One More For The Road)"
Un régal absolu !

L' art de Sinatra est plus profond dans ses albums consacrés aux ballades.
Je conseillerai en premier lieu son premier disque long play qui date de 1955 "In The Wee Small Hours". Outre la splendide chanson-titre, l' album contient de nombreuses richesses avec la lecture de nombreux standards Jazz arrangés par Nelson Riddle dont "Mood Indigo" et "Can't We Be Friends".
En 1957, Sinatra collabore avec l' arrangeur Gordon Jenkins pour le magnifique "Where Are You?".
Les luxurieux arrangements de cordes de Jenkins sont un parfait écrin pour la voix de Frank.

L' annèe suivante, Sinatra retrouve le talentueux Nelson Riddle pour le mélancolique et trés beau "Only The Lonely" qui contient une splendide version d' "Angel Eyes".
On entend clairement l' influence de Billie Holiday dans les interprétations de Frank Sinatra, en particulier dans les ballades, il y a cette même manière de ressentir profondément le sens de la chanson et une certaine parenté dans le découpage rythmique du chant.
Sinatra prend constamment des libertés avec la mélodie et le rythme de la chanson, ce sont des écarts subtils mais qui font toute la magie de ses interprétations.
C'est pour cela que Sinatra est un grand chanteur de Jazz même si il a aussi investi l' univers de la variété.

Un des plus bel exemple du style Sinatra, entre swing et pop, est l' album bien-nommé Songs for Swingin' Lovers ! de 1955 qui bénificie une fois encore du soutien de deux fidèles, l' arrangeur Nelson Riddle et le trompettiste historique, ancien du Count Basie Orchestra, Harry "Sweets" Edison. La voix de Sinatra est particulièrement légère et aérienne dans cet album.
Il nous offre notamment la version historique de "I've Got You Under My Skin" avec l' arrangement original de Riddle que Sinatra conservera tout au long de sa carrière dans ses nombreuses performances publiques.

On trouve dans la discographie de Sinatra des albums orientés plus Jazz.
Parmi eux, l' enthousiasmant "Swingin' Session" de 1962 avec toujours les arrangements de Nelson Riddle.
On signalera aussi l' excellent "Sinatra & Swingin' Brass" de la même année avec les arrangements explosifs de Neal Hefti, connu pour être l' arrangeur de l' album mythique "Atomic Basie", et quelques solos de Ben Webster !
Pour terminer en beauté, évoquons le sublime album "Francis Albert Sinatra & Antonio Carlos Jobim" enregistré au début de l' année 1967.
Sinatra s' approprie à merveille les mélodies de Jobim et la douce mélancolie de la bossa-nova porté par les arrangements subtils de Claus Ogerman.
La voix de Sinatra n' a jamais été aussi douce que dans ce disque, comme si son chant tendait au chuchotement.
Un ravissement renouvelé à chaque écoute !



Monday, August 07, 2006





Grant Green, génie du Soul-Jazz

Grant Green est un des grands maîtres du Soul-Jazz.
Formé à l' école du Boogie-Woogie et du R&B, il fut fortement influencé par Charlie Christian, le premier guitariste à intégré les innovations du Be-Bop à son jeu.
Grant Green possède un sens du groove unique. A l' instar de Miles Davis, son génie réside dans son art de toujours jouer la note juste.
Son style allie ainsi simplicité et force expressive.
Immédiatement reconnaissable comme peu de guitaristes, Green fut avant tout un magnifique interprète de Blues. Il fut aussi un créateur parfaitement original.
Son jeu en "single-notes" et refusant le jeu en accords n' a aucun équivalent dans le Jazz.
Le génie de Grant Green est déjà évident dès son premier album "Grant's First Stand" paru chez Blue Note en 1961. L 'album présente Grant Green en trio avec le bouillonant organiste trop peu enregistré "Baby Face" Willette et le batteur Ben Dixon. Il signe là un des chefs d' oeuvre du Soul-Jazz. Robert Levin écrit dans ses notes du livret que Green est doté d' une vive imagination rythmique et d' une énergie qui a fait dire à un musicien que si Horace Silver jouait de la guitare, il sonnerai comme Green.
A la fin de cette même année, il enregistre des faces remarquables plus Hard-Bop avec l' excellent pianiste Sonny Clark. Elles sont aujourd' hui regroupées dans un double Cd vivement recommandé "The Complete Quartets With Sonny Clark".
En 1962, Green rend hommage aux standards du Gospel avec le trés beau "Feelin' The Spirit" qui bénéficie du support d' Herbie Hancock au piano et de Billy Higgins à la batterie.
L' album qui suit au titre pourtant évocateur "Am I Blue" est une légère déception.

En 1963, Grant Green signe son chef d' oeuvre "Idle Moments".
Les musiciens sont en état de grâce dans le morceau-titre de près de quinze minutes qui ouvre l' album. La magnifique mélodie du pianiste Duke Pearson est magnifiquement interprétée par le guitariste avant des solos non moins splendides de Bobby Hutcherson et Joe Henderson.
Ce titre fait partie pour moi des grands chefs d' oeuvre du Jazz toutes époques confondues, un voyage musical paradisiaque.
Les thèmes et l' instrumentation de l' album sont plus élaborés que dans ses précédents disques et montrent l' intérêt de Green pour les formes nouvelles du Jazz moderne.
Une ouverture confirmée avec l' album "Matador" paru en 1964 toujours chez Blue Note. Grant Green croise le fer avec deux musiciens du John Coltrane Quartet, McCoy Tyner au piano et Elvin Jones à la batterie. La séance est une grande réussite et démontre la capacité d' adaptation du guitariste à des environnements musicaux trés divers. Tyner et Jones y sont remarquables dans un registre différent qu' au sein du quartet de Coltrane.

Green va poursuivre sa trajectoire ambitieuse en collaborant avec l' organiste Larry Young.
Young intègre les avancées du Jazz modal à son jeu d'orgue et si Jimmy Smith fut grandement influencé par Bird, Larry Young exploite avec talent les nouveautés apportées par Coltrane.
Il est aussi un accompagnateur particulièrement subtil et intelligent.
Le duo Green-Young vont réaliser ensemble quatre albums en l' espace de quelques mois, de septembre 1964 à mars 1965.
Le premier "Talkin' About !" , en trio avec Elvin Jones, est fabuleux, en particulier le frénétique morceau d' ouverture "Talkin' About J.C" (J.C., on le devine, autant pour John Coltrane que pour Jesus Christ).
Le deuxième "Into Somethin'" est le premier disque Blue Note de Larry Young en tant que leader. Il contient un splendide thème de Green "Plaza De Toros" et bénéficie de l' apport du saxophoniste Sam Rivers.
Les deux derniers albums du duo "Street of Dreams" et "I Want To Hold Your Hand" toujours avec Elvin Jones à la batterie présente Grant Green en subtil interprète de ballades.

Parrallèlement à sa collaboration avec Young, Grant Green crée avec "Big" John Patton une musique plus groovy.
Le tandem est peut-être ce qui s' est fait de mieux dans le genre. On peut apprécier leur entente quasi télépathique dans l' excellent "Let' Em Roll" de l' organiste et "Got A Good Thing Goin'", un album resté longtemps inédit qui présente des reprises savoureuses de standards R&B comme "Shake" et "Ain't That Peculiar".
Suite à des problèmes de drogue, sa carrière musicale va quelque peu s' essoufler à partir de 1966, il n' enregistra qu' un disque entre 1966 et 1969. A partir de ce moment, son jeu perdra en fluidité et en qualité.
Grant Green est décédé à l' âge de 47 ans le 31 janvier 1979.


Saturday, August 05, 2006



The Salsoul Orchestra : The Anthology

Voilà une des belles découvertes de l' été, une nouvelle fois grâce au précieux site http://www.allmusic.com.
Fondé par Vince Montana Jr en 1974, le groupe, comme son nom l' annonce, mixe la salsa et la soul et s' impose vite comme l' un des meilleurs orchestres de l' ère Disco.
The Salsoul Orchestra allie avec bonheur raffinement et dance music. Son leader n' est pas étranger à cette richesse musicale. Vince Montana Jr commenca sa carrière musicale comme vibraphoniste et percussionniste de Jazz (il joua dans les années 50 avec entre autres Charlie parker et Stan Getz) mais il va rencontrer le succès en devenant l' un des principals artisans de la "Philly Soul" en collaborant en tant que musicien, arrangeur ou producteur avec des groupes comme The Delfonics, Harold Melvin and the Blue Notes ou The O'Jays.
Avec The Salsoul Orchestra et le label du même nom, il invente un nouveau style de dance music en parfaite adéquation avec l' insouciance de l' époque Disco.
L' orchestre ne compte pas moins de 50 musiciens avec une imposante section de cordes et des vocalistes brillantes et very sexy !
La musique de Salsoul donne aussi une place importante aux solos instrumentaux notamment le vibraphone swinguant de Montana.
Bref, c'est un régal que d' écouter ce groupe qui m' était complétement inconnu il y a un mois.
On peut même entendre dans cette musique les origines de la House music la plus légère et la plus festive.

Extrait audio : The Salsoul Orchestra : Getaway

Thursday, August 03, 2006


The Mahavishnu Orchestra : The Inner Mounting Flame, 1971
Ce disque fait partie sans contestation possible des chefs d' oeuvre du jazz-fusion, encore meilleur que l' explosif "Birds of Fire" (l' album qui va lui succéder) car plus diversifié et plus spontané.
C' est le premier album du Mahavishnu Orchestra du nom que prit McLaughlin quand il devint disciple du gourou Sri Chinmoy. Fortement inspiré par la tradition hindoue, Sri Chinmoy est aujourd' hui à la tête d' une organisation sectaire qui assure sa promotion en organisant concerts et manifestations sportives. Un autre grand guitariste, Carlos Santana, est un de ses disciples. Ces musiciens ont sans doute été séduits par sa vision de la musique comme "langage universel de Dieu". Il cite sur son site Aldous Huxley qui dit : «Juste après le silence, le prochain moyen d’expression de l’inexprimable est la musique.»
Pour vous informer sur les dangers de la secte, visiter les adresses suivantes :
- http://www.prevensectes.com/chinmoy.htm
- http://www.unadfi.com/bulles/bulles%2081/bulles817.htm
Revenons à la prodigieuse musique de cet album après cette petite diversion, Mahavishnu Orchestra ne propose pas seulement un mélange de Jazz et de Rock mais il mixe aussi des éléments de musique classique européenne, de musique indienne, de country et de musique celtique. C' est une musique ouverte sur toutes les influences interprétée par des musiciens virtuoses.
On notera l' époustouflant "Noonward Race", hommage à peine déguisé au "Machine Gun" d' Hendrix.
A découvrir aussi, un autre grand disque de John McLaughlin "My Goal's Beyond" enregistré en 1970 entre deux séances pour le projet de Miles Davis "A Tribute To Jack Johnson".
L' album se décline en deux parties bien distinctes.
La première est une session acoustique merveilleuse. McLaughlin est au début de sa carrière, pourtant ces vingt minutes de musique font entendre un musicien accompli d' une grande maturité. Une musique sereine et méditative qui est pour moi un grand moment de guitare jazz.
A savourer en particulier la sublime version de "Goodbye Pork Pie Hat", le magnifique thème de Charles Mingus en hommage à Lester Young.
La deuxième est une longue Jam acoustique en deux parties avec de nombreux musiciens dont une sitariste et deux futurs membres de Mahavishnu, le violoniste Jerry Goodman et le batteur Billy Cobham.
Deux morceaux qui évoquent l' univers de Coltrane en particulier le titre "India" issu du Live at the Village Vanguard 1961.
Un disque tout aussi indispensable que le premier.