Monday, July 31, 2006



Art Blakey : A Night at Birland Vol. 1 & 2
Ce disque Live historique nous renvoie aux origines du Hard-Bop.
Enregistré en février 1954, il inaugure une année prolifique qui verra naître le quintet Clifford Brown-Max Roach, les collaborations Miles Davis-Horace Siver dans "Walkin'" et "Bags Groove" et en novembre les premiers enregistrements des Jazz Messengers le groupe référence du mouvement co-dirigé par Horace Silver et Art Blakey.
Ce disque réunit quelques-uns des acteurs principaux de l' émergence de ce style qui est aujourd' hui dominant dans le jazz : Clifford Brown, le trompettiste météore disparu à l' âge de 26 ans ; Lou Donaldson, altiste brillant qui deviendra un des leaders du Soul-Jazz , il montre ici un jeu trés parkérien ; Horace Silver, un des grands inventeurs du Hard-Bop, il apporte la touche bluesy à la musique du groupe ; Curly Russell, contrebassiste qui avait déjà collaboré avec Charlie Parker et Art Blakey qui montre ici toute la puissance et la vitalité de son jeu.
Toutes ces futurs stars ne sont qu' au début de leur carrière au moment de ce Live mais elles ont déjà une maîtrise parfaite de leurs instruments. Les solos de Clifford Brown sont particulièrements brillants, notamment dans la ballade "Once in A While" et le parkérien "Wee-Dot". La beauté de son son et sa vélocité dans ses impros sont proprement uniques.
Avec de nombreux thèmes empruntés au Be-Bop comme "A Night In Tunisia" de Gillespie ou "Now's The Time " de Parker, ce disque n'en est pas moins un des plus parfaits exemples du style Hard Bop.
Le Hard-Bop est né en réaction au cool jazz que certains noirs ont considéré comme une récuppération affadissante du Be-Bop. Le Hard-Bop se propose dons de re-vitaliser et viriliser le Jazz. Il s' accompagne par un certain retour aux sources de la culture noire-américaine en mélangeant le gospel, le blues et les acquis du Bop ainsi qu' au retour de l' expressionnisme avec des solistes comme Charles Mingus, Cannonball Adderley ou Jackie McLean.
Ce disque est un véritable bain de jouvence qui nous replonge dans cette époque intensément créatrice.

Extrait audio: "Announcement by Pee Wee Marquette - Split Kick (Horace Silver)"

Sunday, July 30, 2006



Mes disques Blue Note favoris :

1. Art Blakey : A Night at Birdland, 1954
Un Live historique avec pratiquement que des futurs leaders du label : Clifford Brown, Lou Donaldson, Horace Silver et bien sûr l' immense Art Blakey.
2. Grant Green : Idle Moments, 1963
La quintessence du style Soul-Jazz.
3. Sonny Rollins : A Night at the Village Vanguard Vol. I & II, 1957
Encore un Live historique avec Elvin Jones à la batterie.
4. Horace Silver : A Song For My Father, 1963
Le chef d' oeuvre d' Horace Silver avec Joe Henderson.
5. Cannonball Adderley : Somethin' Else, 1958
Un grand disque avec un sublime Miles Davis.
6. Herbie Hancock : Maiden Voyage, 1965
Un disque audacieux avec Freddie Hubbard, George Coleman et Tony Williams.
7. Jackie McLean : Let Freedom Ring, 1962
Un disque presque free du fougueux Jackie McLean.
8. Wayne Shorter : Adam' s Apple, 1966
Un superbe disque de Shorter avec Herbie Hancock et Joe Chambers.
9. Lee Morgan : Leeway, 1960
Un chef d' oeuvre Soul-Jazz méconnu avec un lumineux Jackie McLean et les soulful Bobby Timmons et Art Blakey.
10. Ornette Coleman : At The Golden Circle, Vol. I & II, 1965
Un Live tonitruant d' Ornette avec David Izenzon à la basse et Cherles Moffett à la batterie.
11. John Coltrane : Blue Train, 1957
La tornade Coltrane encore trés Hard-Bop !
12. Bud Powell : The Amazing Bud Powell Vol. I & II, 1949-1953
Le génie de Bud.
13. Wayne Shorter : Speak No Evil, 1964
Un superbe album assez dans l' esprit du "Maiden Voyage" de Hancock.
14. Don Cherry : Complete Communion, 1965
Du Free chez Blue Note !
15. Grant Green : Talkin' About, 1964
Un formidable disque de Grant Green avec le grand organiste Larry Young.
16. Lee Morgan : The Sidewinder, 1963
Un classique du Jazz Funky avec encore Joe Henderson !
17. Andrew Hill : The Point of Departure, 1964
Le chef d'oeuvre du pianiste Andrew Hill avec l' extraordinaire Eric Dolphy.
18. Herbie Hancock : Takin' Off, 1962
L' album du hit "Watermelon Man" (extrait audio) mais pas seulement.
19. Kenny Burrell : Midnight Blue, 1967
Un délicieux disque Soul-Jazz avec Ray Barretto aux percus.
20. Big John Patton : Let' Em Roll, 1965
Un bijou groovy avec Grant Green et Bobby Hutcherson.

Cette liste ne se veut en aucun cas un classement des meilleurs disques Blue Note, qui n' aurait aucun sens. Elle indique seulement un degré de préférence tout relatif et se veut une modeste sélection parmi le trés riche catalogue Blue Note.


Swinguin' with the Oscar Peterson Trio !

Le sublime trio d' Oscar Peterson avec Ray Brown à la basse et Ed Thigpen à la batterie signe en 1964 avec "We Get Requests" son chef d'oeuvre. Le disque est un modèle de swing et d' élégance pour tous les trios de Jazz. La parfaite entente entre les musiciens est lumineuse tout au long de l' album. Le répertoire est d' une grande variété alternant standards, thèmes bossa-nova (plutôt nouveaux pour le groupe) et une mélodie originale "Goodbye, J.D." pour conclure l' album.
Le trio se refuse ici à une démonstration de virtuosité, la plupart des titres étant mid-tempo. C' est un swing léger, aérien et mélodique que nous propose le trio.
Le sommet de l' album est pour moi le titre "Have You Met Miss Jones ?". Oscar expose la mélodie de manière trés romantique avant que le tempo s' accélère peu à peu avec l' arrivèe de la basse swinguante de Ray Brown, le titre devient ensuite un feu d' artifice de swing.
On peut aussi remarquer la magnifique lecture de la ballade "The Days of Wine And Roses" et le titre swinguant emprunté au MJQ et composé par John Lewis "D&E". Malgré toute cette diversité, le disque trouve une belle unité.
De la musique cinq étoiles à savourer !
J' aimerai aussi vous conseiller d' autres disques du trio d' Oscar Peterson.
D' abord, deux Live du trio piano-guitare-basse avec Herb Ellis et Ray Brown :

- "The Oscar Peterson Trio at the Stratford Shakespearean Festival", Verve, 1956
- "The Oscar Peterson Trio at the Concertgebouw", Verve, 1958
Et trois autres disques du trio de "We Get Requests" :
- "The Trio: Live from Chicago", Verve, 1961
- "The Sound of the Trio", Verve, 1961
- "Night Train", Verve, 1962

Friday, July 28, 2006



Miles Davis : The Cellar Door Sessions 1970

Sony Music a fait un immense cadeau à tous les fans de Miles en publiant ce coffret extraordinaire. Six disques au coeur d' un des groupes les plus passionnants de la période électrique de Miles, enregistrés dans des conditions parfaites au Cellar Door de Washington en 1970.
La section rythmique composée de Jack DeJohnnette à la batterie et du jeune Michael Henderson (19 ans à l' époque) à la basse est absolument prodigieuse.
Airto Moreira aux percussions ajoute ses sons étranges et mystérieux à l' irrésistible groove maintenu par les deux premiers.
Une des grandes découvertes du coffret est l' extraordinaire performance de Keith Jarrett au Fender Rhodes. Pour quelqu' un qui a souvent exprimé sa méfiance vis à vis des instruments électriques, il semble ici particulièrement à l' aise. Il faut noter qu' il devait partager quelques mois plus tôt les claviers avec Chick Corea et il n' arrivait pas à s' exprimer pleinement dans ce contexte. Il est responsable de quelques-uns des plus beaux moments de ce coffret avec ses magnifiques introductions solos, ou la manière malicieuse qu' il a d' accompagner la trompette mutante du maître, surtout dans les différentes versions de "Honky Tonk".
L' incandescence du jeu du sax Gary Bartz colle parfaitement à la musique du groupe, superbe !
Les deux derniers disques voient l' ajout du guitariste John McLaughlin. McLaughlin est sans doute une des figures les plus importantes de la période électrique de Miles. Il a tenu une place majeure dans les trois grands chefs d' oeuvre électriques de Miles : "In A Silent Way", "Bitches Brew" et "A Tribute to Jack Johnson". Personnellement, le sommet de la collaboration Miles-McLaughlin est à chercher dans un titre fleuve de "Big Fun", l' époustouflant "Go Ahead John".
Outre le plaisir d' écouter ce groupe extraordinaire, il y a bien sûr le jeu de Miles.
Son sens quasi mystique du timing n' a jamais été aussi net que dans cette période même si cette qualité est primordiale dans son jeu depuis ses débuts.
A partir des années 70, il procède à une épuration de son style pour donner une place encore plus importante au rythme. Son jeu gagne ainsi en puissance et en profondeur.
La musique de ce coffret communique des émotions d' une rare intensité.
So, Enjoy !!!

Extrait audio : "What I Say" (Miles Davis)

Wednesday, July 26, 2006



Sensuelles musiques pour nuits d' été !
Si vous avez envie d' écouter de la Soul music torride pour accompagner vos nuits estivales, je vous conseille ces deux albums Motown de 1976 "I Want You" de Marvin Gaye et "Musical Massage" de Leon Ware.
La genèse de "I Want You" est plutôt originale. Le single-titre a été écrit par Leon Ware pour le nouvel album de T-Boy Ross chez Motown. Le patron de la firme, Berry Gordy, apprécia tellement la chanson qu' il voulut en faire le nouveau single de Marvin Gaye. Marvin approuva ce choix. Ware poursuivit l' écriture de son nouvel album. Après avoir fini les mélodies et les arrangements de tous les titres, il fit écouter le fruit de son travail à ses amis chez Marvin Gaye. Marvin fut tellement séduit par ces titres qu' il voulut tous les utiliser pour son nouvel album. Ware accepta comme attendu car on ne pouvait pas refuser grand chose à Marvin Gaye à cette époque.
L' album "I Want You" se révéla être une grande réussite tant commerciale (il atteignit le Top 10) qu' artistique. La voix de Marvin se lovant admirablement dans les arrangements subtils de Ware. Il retrouvait avec cet album l' univers érotique du fameux "Let's Get It On" mais avec un son plus moderne fortement inspiré par le disco.
L' édition Deluxe parue en 2003 offre de nombreuses versions alternatives souvent passionnantes notamment des versions instrumentales et une sublime version de "I Want You" avec juste la(les) voix de Marvin et la rythmique. J' ai écrit les voix de Marvin car les arrangements vocaux de l' album utilisent avec talent la technique de l' overdubbing qui consiste à superposer plusieurs pistes enregistrées par la même personne.
Ayant donné ses chansons à Marvin, Leon Ware dut se remettre au travail pour créer un nouvel opus. Ses qualités d' arrangeur sont intacts dans "Musical Massage" avec une présence des cordes plus importante et quelques titres plus rythmés comme le trés bon "Body Heat".
Il nous fait apprécier aussi sa trés belle voix, écouter par exemple l' explicite "Don't You Wanna Come". A noter que l' édition Cd offre en bonus des interprétations de Ware de titres issus d' "I Want You". Même si on retrouve dans cet album la même sensualité que dans "I Want You", le charisme extraordinaire de Marvin Gaye n' est pas là et cela fait toute la différence.
Merci à allmusic.com, une véritable mine d' informations musicales qui m' a beaucoup aidé dans la rédaction de cet article.

Extrait audio : "I Want You" (T-Boy Ross/Leon Ware)


Tuesday, July 25, 2006



Back to November 1957 !
J' ai eu envie de parler de ce mois historique dans l' histoire du Jazz car c' est pendant celui-ci que Rudy Van Gelder va installer ses micros pour capter les splendides performances de Sonny Rollins au Village Vanguard et de Jimmy Smith au Smalls' Paradise de Harlem.
Ces deux lieux mythiques de la nuit new-yorkaise ont sans doute vécu de grands moments de musique mais ces quelques nuits continueront longtemps à faire rêver les jazzfans du monde entier.
Les deux volumes de Sonny Rollins : A Night at the Village Vanguard réunissent les enregistrements du trio de Sonny Rollins lors de deux séances, une l' après-midi et une le soir, captées le 3 novembre 1957.
Sonny atteint ici le sommet de son art. Il sonne de manière plus détimbré que dans "Saxophone Colossus" mais il a ce soir-là une fluidité extraordinaire dans son jeu ainsi qu' une inspiration qui semble inépuisable.
Le disque révèle un besoin de liberté de plus en plus vif dans le Jazz de l' époque, on peut ainsi presque dire que ce disque annonce à sa manière la révolution du Free.
Les accompagnateurs de Sonny sont pour beaucoup dans la magie de ce disque. Wilbur Ware à la basse est d' une solidité exemplaire et Elvin Jones brille de mille feux avec un jeu plus léger que celui qu' il montrera avec Coltrane mais d' une fantastique virtuosité. On ne doit pas aussi oublier le superbe batteur Pete LaRoca qui oeuvre dans la séance diurne.

Le double Cd "Jimmy Smith : Groovin' at Smalls' Paradise" récemment réédité avec de nombreux titres inédits dans la collection "The RVG Edition" présente un style de Jazz bien différent.
Dès ses débuts chez Blue Note en 1956, Jimmy Smith s' est imposé comme un des leaders d' une nouvelle forme de Jazz, le Jazz-Soul ou Jazz Funky.
Cette mouvance visait à rapprocher le Jazz, et sa grandissante complexité depuis l' avénement du Bop, avec la musique populaire noire-américaine soit le blues , le gospel mais aussi les nouveaux sons du R&B et du Funk.
Ce Live présente de manière flamboyante les grands talents d' improvisateur de Jimmy Smith. La musique de Smith possède la force des grands hymnes Gospel tout en intégrant dans son discours les influences de Charlie Parker et d' Erroll Garner (c'est particulièrement net dans les ballades de ce disque).
On peut ici entendre le maître au meilleur de sa forme pendant plus de deux heures dans le cadre intimiste d' un club accompagné par son trio habituel.
A noter que son premier disque chez Blue Note date seulement d' un an au moment de ce concert, c' est donc la musique d' une étoile montante en plein épanouissement artistique que ce disque nous donne à entendre.
On se régale des grands moments de Swing tels "Walkin'" ou "The Champ" mais les ballades sont elles aussi enthousiasmantes comme la trés belle version de "Body And Soul" et l' impressionnante interprétation extatique de "Laura".
Bonne écoute à tous !

Wednesday, July 19, 2006


Qu'est-ce que le Swing ?
Cette notion si vague et si abondamment utilisée dans les commentaires sur le Jazz mérite qu' on tente de lui donner une définition personnelle.
Pour moi, le Swing , c'est l' alliance du plaisir des formes et de la jubilation rythmique.
Miles Davis a dit : "Il ne sert à rien de jouer beaucoup de notes, il suffit de jouer les plus belles." Miles a d' ailleurs démontré tout au long de sa vie, dans sa musique, la vérité de cette phrase.
En effet, un musicien qui swingue est celui qui sait jouer la bonne note au bon moment, celle qui nous fait hérisser les poils et battre le rythme toujours plus fort.
Dans le Jazz, le musicien se doit avant tout de sentir le rythme et surtout de le faire ressentir profondément à l' auditeur, de l' entrainer dans la jouissance rythmique, qui nous renvoie peut-être aux moments pré-nataux où l' on était bercé par le rythme cardiaque de notre mère.

L' un des plus parfaits exemples de swing est sans doute ce fameux solo de Paul Gonsalves de 27 chorus avec l' orchestre de Duke Ellington au festival de Newport 1956 sur "Diminuendo In Blue And Crescendo In Blue".
Les formes jouées sont non seulement d' une parfaite élégance mais ce qui déclenche notre enthousiasme et celle du public de Newport, c'est la parfaite alliance de son solo avec le rythme, cet envol formel qui se conjugue avec une escalade dans la possession par le rythme.
L' écoute du Jazz est ainsi bien souvent une danse intellectuelle. Une expression qui fût aussi utilisée pour qualifier le jeu de Lester Young, autre grand pourvoyeur de swing.

Jack Kerouac dans "Sur la route" a décrit magnifiquement cette extase propre au Jazz dans une scène dans un club où un saxophoniste attrape le "it" portant la foule dans un véritable état de transe.
Le Jazz dans cette dualité entre création formelle et transe rythmique semble être la musique qui a su le mieux répondre à l' art idéal que Nietzche décrit dans "La Naissance de la Tragédie enfantée par l' esprit de la musique" (le sous-titre ne nous est pas indifférent !).
L' Art se doit ainsi d' allier l' apollinien et le dionysiaque.
Apollon est le dieu des formes, de "la belle apparence du monde intérieur de l' imagination".
Apollon, dont la racine du nom est le "brillant", est la lumière qui règne sur le monde des formes et du rêve.
Dionysos est le dieu de l' ivresse.
Chez les grecs, Apollon est le dieu des arts plastiques alors que Dionysos est le dieu des arts non plastiques.
Mais ces deux impulsions différentes sont en perpétuel dialogue dans l' art grec pour aboutir à "des productions toujours nouvelles et de plus en plus vigoureuses" et à la naissance de la tragèdie.
Dans les premières pages du livre, Nietzche décrit ainsi l' ivresse dionysiaque :

" Transformez en tableau l' "Hymne à la joie" de Beethoven et ne laissez pas votre imagination en reste lorsque les millions d' êtres se prosternent en frémissant dans la poussière : c'est ainsi qu' il est possible d' approcher le dionysiaque. Maintenant, l' esclave est un homme libre, maintenant se brisent toutes les barrières hostiles et rigides que la nécessité, l' arbitraire et la "mode insolente" ont mises entre les hommes. Maintenant, dans cet évangile de l' harmonie universelle, non seulement chacun se sent uni, réconcilié, confondu avec son prochain, mais il fait un avec tous, comme si le voile de Maya s' était déchiré et qu' il n' en flottait plus que des lambeaux devant le mystère de l' Un originaire. Par le chant et la danse, l' homme manifeste son appartenance à une communauté supérieure : il a désappris de marcher et de parler et, dansant, il est sur le point de s' envoler dans les airs. Ses gestes disent son ensorcellement. De même que les animaux maintenant parlent et la terre donne lait et miel, de même résonne en lui quelque chose de surnaturel : il se sent dieu, il circule lui-même extasié, soulevé, ainsi qu' il a vu dans ses rêves marcher les dieux. L' homme n' est plus artiste, il est devenu oeuvre d' art : ce qui se révèle ici dans le tressaillement de l' ivresse, c'est, en vue de la suprême volupté et de l' apaisement de l' Un originaire, la puissance artiste de la nature toute entière."

Il ne reste plus qu' à s' incliner devant la beauté ...

Tuesday, July 18, 2006



Funkadelic, un groupe unique !
Parce qu' il n' y pas que le Jazz dans la vie, coup de projecteur sur la trilogie inaugurale du groupe Funkadelic : "Funkadelic", "Free Your Mind And Your Ass Will Follow" (quel titre !) et last but not least "Maggot Brain".
Guitares hendrixiennes, claviers délirants du virtuose Bernie Worrell et voix soul issues de l' usine à talents Motown.
Funkadelic est un cocktail détonnant et toute la force du groupe est concentrée dans ces premiers albums.
"Funkadelic" (1970) ne bénédicie pas d' une excellente prise de son mais offre des longues jams électriques prodigieuses. Le grand guitariste Eddie Hazel fait déjà des siennes dans "Music For Your Mother" et "I' ll Bet You".On appréciera aussi le passage évoquant Jim Morrison (eh oui !) du vocaliste Herb Sparkman dans "MFYM".
En Final, George Clinton s' offre un titre taillé à sa mesure(démentielle!) "What Is Soul ?".
"Free Your Mind And Your Ass Will Follow" (1970) voit l' arrivée du génie parfois sous-estimée Bernie Worrell. Son rôle dans les arrangements du groupe est capital à partir de cet album.
Mon titre préféré est "Funky Dollar Bill" avec le clavecin délirant de Worrell. L' album contient des délires soniques "Free Your Mind..." et "Eulogy And Light" préfigurant l' ahurissant "Wars of Armageddon" de "Maggot Brain".
On savourera aussi un titre bien rock "Friday Night" et une perle Funk-R&B (enfin, on se comprend le R&B de Ray, Aretha et Marvin pas celui d' aujourd' hui!) "I Wanna Know If It's Good to You" (extrait audio).
"Maggot Brain" (1971) est considéré par tous les spécialistes comme LE Chef d' oeuvre de Funkadelic et c' est sans doute l' album le plus abouti des trois. S' ouvrant par le mythique et hypnotique morceau titre, aah le solo de Eddie Hazel (!), l' album se poursuit avec des titres plus R&B d' une énergie extraordinaire pour se finir par le délire déjà mentionné "Wars Of Armaggedon".
Funkadelic ne se limite pas bien sûr à ces albums mais je voulais les mettre en valeur dans ce blog car ils font partie à mon avis des chefs d' oeuvre de la Great Black Music.

Extrait audio : "I Wanna Know If It's Good To You" (George Clinton/Clarence "Fuzzy" Haskins/Eddie Hazel/Billy "Bass" Nelson)



Vidéo : George Clinton et les guitaristes Michael Hampton & Eddie Hazel, Maggot Brain - Germany 1986

Monday, July 17, 2006


Lester Young fut un des musiciens les plus extraordinaires et les plus originaux des années 30. Il marqua de son empreinte la "Swing Era". Ce fut le premier saxophoniste à se démarquer de l' emprise quasi exclusive de "l' inventeur du saxophone" Coleman Hawkins. A la force virile de la musique du Hawk, il oppose un style fait de légéreté et de décontraction. La nouveauté réside dans le son, détimbré avec un faible vibrato se rapprochant du son d' un sax alto, une nouvelle pulsion rythmique avec de fréquents enjambements des barres de mesures et un effacement des différences entre temps forts et temps faibles et un phrasé melodique qui s' affranchit de l' improvisation harmonique de l' ecole dominante.
Ainsi, dès ses débuts, Lester se veut un musicien singulier et son flegme et sa décontraction sont en effet en parfaite opposition avec la frénésie et la transe du Jazz de l' époque, notamment au sein de l' orchestre de Count Basie.
Les exemples disographiques de ce premier style sont :

- Shoe Shine Boy, 1936 avec le Jones-Smith Incorporated
- Lady Be Good, 1936 avec le Jones-Smith Incorporated
- Roseland Shuffle, 1937 avec le Count Basie Orchestra
- One O' Clock Jump, 1937 avec le Count Basie Orchestra
- Every Tub, 1938 avec le Count Basie Orchestra
- Swinguin' The Blues, 1938 avec le Count Basie Orchestra

A cette même époque, Lester fait la rencontre de son double musical, la chanteuse Billie Holiday. Les deux musiciens se découvrent la même sensiblité écorchée et une esthétique trés proche.
Cette alliance quasi miraculeuse va faire naître de nombreux chefs d' oeuvres, en voici quelques-uns :

- This Year's Kisses, 1937
- Foolin' Myself, 1937
- I'll Never Be The Same, 1937
- Me, Myself And I, 1937
- Born To Love, 1937
- Gettin' Some Fun Out Of Life, 1937
- All Of Me, 1941

La discographie de Lester Young de 1936 à 1944 est d' une grande richesse, il enregistre avec l' orchestre de Count Basie, avec Billie Holiday et avec plusieurs petites formations parfois sous sa direction. Et c' est peut-être au sein de ces groupes qu' il donne le meilleur de lui-même.

- Way Down Younder In New Orleans, 1938 avec le Kansas City Seven
- I Want A Little Girl, 1938 avec le Kansas City Seven
- I Got Rythm, 1943 avec le Dickie Wells Orchestra
- Sometimes I' m Happy, 1943 avec Slam Stewart, basse et Sid Catlett, batterie
- Lester Leaps Again, 1944 avec les Kansas City Seven, Count Basie, piano
- Destination K.C., 1944 avec les Kansas City Seven, Count Basie, piano
- Blue Lester, 1944 avec Count Basie, piano
- Ghost of A Chance, 1944
- Jammin' The Blues, 1944 - sublime film d' une quinzaine de minutes de Gjon Mili

En septembre 1944, Lester est enrolé dans l' armèe. Son indiscipline et le racisme de ses supérieurs va lui valoir les pires humiliations. Sa sensibilité va en sortir définitivement brisée. Cette expérience va provoquer un rapide déclin physique et moral accéléré par un alcoolisme aigu.
En 1945-1946, il posséde encore la majorité de ses moyens même si sa musique est de plus en plus marquée par son état dépressif.

- D.B Blues, 1945 avec Vic Dickenson, trombone
- These Foolish Things, 1945
- Back To The Land, 1946 avec Nat King Cole, piano
- The Man I Love, 1946 avec Nat King Cole, piano
- I Want To Be Happy, 1946 avec Nat King Cole, piano


Les années cinquante seront une lente descente aux enfers pour Lester mais la magie de sa musique est loin d' avoir disparu. Il décide de ne pas cacher son déclin mais au contraire de le mettre en scène dans sa musique.
Son style est fait à présent de déchirures et son son semble vouloir se réduire au seul souffle.
Son évolution musicale devient ainsi le miroir de sa vie d' homme.
C' est pour cela que le personnage de Lester Young nous touche si profondément des années après sa mort.
Aucun musicien ne s' est dévoilé à travers sa musique avec autant d' honnêteté, sans aucune concession.
Il a inspiré toute une philosophie de vie basée sur la nonchalance et le culte de la douceur que l' on retrouvera chez les saxophonistes West Coast.
Pour approcher cette musique crépusculaire, je ne saurai trop vous conseiller le coffret "The Complete Verve Sessions".
Mais un disque "Count Basie At Newport" en 1957 nous prouve que Lester était encore capable d' échappées pleines de vivacité et même de fureur dans l'incroyable "Lester Leaps In".
Voici quelques exemples amoureusement choisies de ce dernier style :

- Slow Motion Blues, 1951 avec John Lewis, p
- On The Sunny Side of The Street, 1952 avec Oscar Peterson, p
- That's All, 1955 avec Harry Edison, tp et Oscar Peterson, p
- One O' Clock Jump, 1955 avec Harry Edison, tp et Oscar Peterson, p
- Pres Returns, 1956 avec Teddy Wilson, p et Jo Jones, dr
- All Of Me, 1956 avec Harry Edison, tp et Oscar Peterson, p
- Polka Dots And Moonbeams, 1957 avec le Count Basie Orchestra à Newport
- They Can't Take That Away From Me, 1958
- I Can't Get Started, 1959

Lester Young est mort le 15 mars 1959 dans une chambre de l' hôtel Alvin à New York.

Lectures :
Alain Gerber : Lester Young
Dictionnaire du Jazz, Robert Laffont

Vidéo : Jammin' The Blues, 1944
Film de Gjon Mili avec Lester Young (ts),Harry Edison (tp), Jo Jones (dr) et Illinois Jacquet (ts).

Sunday, July 16, 2006


Pour inaugurer ce blog, je vous propose un petit compte-rendu du festival "Jazz à Vienne" cuvée 2006.
En ouverture, le géant Sonny Rollins a offert un récital de toute beauté au public viennois. Que ce soit sur les ballades ou les morceaux calypso endiablés qu' il affectionnent, son son a toujours la même explosivité et il développe toujours une grande imagination dans ses solos. Je regrette toutefois que son groupe ne se renouvelle pas et ne le mette pas plus en danger. Ils semblent vraiment au service du maître, un peu trop...
C' était la quatrième fois que j' avais la chance de le voir sur scène et ce dernier concert était sans doute l' un des meilleurs.
Lundi, le festival proposait la formation de Benny Golson "Tribute to Clifford Brown". Un bon concert assez traditionnel illuminé par le talent de Randy Brecker à la trompette et de l' aérien Al Foster à la batterie.
Dianne Reeves a livré une belle performance en deuxième partie.
La soirée du 7 juillet fut plus surprenante.
En première partie, le splendide Trio Beyond qui réunit John Scofield, Larry Goldings et Jack DeJohnnette. Trois musiciens de grande classe qui ont donné une leçon de Jazz, une exploration constante dans les impros et une superbe communication entre les musiciens qui ont pourtant chacun une forte personnalité.
Je vous recommande le disque Live "Saudades" paru récemment trés fidèle à ce que j' ai pu entendre en Live.
John Zorn et son quartet "Acoustic Masada" a livré aussi un grand concert ce même soir. Quel énergie dans ce groupe ! Des moments de violence qui alternent avec des moments de poèsie notamment grâce au merveilleux trompettiste Dave Douglas.
Mais la grande découverte de ce festival a été pour moi la performance de Bunky Green, saxophoniste qui a débuté dans les années 60 notamment avec Mingus, dans le cadre plus intimiste du théatre de minuit.
Bunky Green a un jeu d' une élégance et d' une originalité rare et un lyrisme dans les ballades qui m' a rappellé celui de Stan Getz.
Il était accompagné par un fantastique trio de jeunes musiciens (en tout cas plus jeune que lui!) mené par le prodigieux pianiste Jason Moran.
Bientôt dans ce blog une chronique d' un disque de ce saxophoniste rare et peut-être ausii de ce pianiste si éblouissant ce soir-là.
Bienvenue à tous !
Mon blog se propose de partager mes découvertes musicales et les albums qui ont nourri ma passion pour le jazz.
J' ai grandi entouré de la collection de vinyls Blue Note de mon père mais le choc qui a donné naissance à ma passion pour cette musique est le concert qu' a donné Dizzy Gillespie au théatre antique de Vienne en 1990.
A treize ans, j' avais déjà vu Art Blakey, Diz et Miles Davis.
Le charisme de ces génies m' ont marqué à vie et m' ont fait approcher le pouvoir transcendant de la musique sur notre corps et notre esprit.
N 'hésitez pas à réagir et à m' envoyer vos commentaires pour partager des avis et des pistes vers toujours plus de plaisir musical.